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Grand angle

Chocs de chiffres

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La catastrophe a fait de façon certaine, selon l’ONU, 62 morts. Il y en a eu 200 000, répond Greenpeace, tandis que circule le chiffre de «9 millions de victimes». Le bilan est plombé par les polémiques, et l’étendue des inconnues.
publié le 27 avril 2011 à 0h00

L'une des dernières nouvelles scientifiques en provenance de Tchernobyl est une histoire d'oiseaux. Anders Pape Moller, du CNRS, et trois compères chercheurs s'en vont chasser sur les terres contaminées des abords de la centrale, attrapent 500 volatiles de 48 espèces, mesurent leur périmètre crânien, constatent qu'il tend à être plus petit que la norme dans les zones les plus irradiées. Et concluent : «Cela confirme l'hypothèse que la contamination radioactive altère le développement cérébral.» L'observation est publiée en février dans une revue internationale de haut niveau, Plos One, rarement attentive aux crânes de piafs. Mais ces oiseaux-là sont d'exception.

Ils chantent en sourdine les millions d'habitants qui vivent en Ukraine, Biélorussie et Russie, sur les terres contaminées par l'explosion de la centrale Lénine, le 26 avril 1986. Ils nous chuchotent que «ces troubles de la santé mentale», qu'un rapport de l'ONU publié en 2005 attribuait à «la détresse psychologique» générée par la catastrophe et décrivait comme «le problème de santé publique le plus important suscité par l'accident», pourraient être dus à des effets neurobiologiques insoupçonnés de l'irradiation. Ces oiseaux jivaros, que la rigueur scientifique impose de ne pas considérer comme une préfiguration d'un «homme de Tchernobyl» à petite tête, apportent un énième caillou à la polémique revigorée par Fukushima : combien de morts et de malades a fait et fera la cat