La dernière fois que je me suis rendu à Saint-Florent-le-Vieil pour aller saluer Julien Gracq, c’était durant l’hiver 2006-2007. Je me souviens qu’il faisait grand froid et que la Loire était plus grise encore que le ciel. La maison était aussi triste que d’habitude - comment peut-on supporter tant de couleur marron sur les murs ? - et lui toujours aussi enjoué. Il m’offrit le «doigt de porto» rituel et tout de suite m’entretint de l’instabilité des choses.
Mes études de géographie m'avaient appris que si une réalité était fixe, c'était bien la Terre. Et bien à peine les avais-je achevées que se trouvait validée l'hypothèse de la dérive des continents. J'ai dû tout réviser de ce que je savais puisque, décidément, tout bougeait. Croyez-moi, c'est un choc ! D'autant que la Seconde Guerre mondiale approchait. Rien, pour moi, ne serait jamais stable. Je lui ai rappelé le principe premier de la philosophie japonaise : «Tout ce qui a une forme est appelé à disparaître.» Et nous avons longuement parlé des marées de notre Bretagne, aussi chère à lui qu'à moi.
Le temps avait passé. Il fallait prendre congé. Tout le temps du retour, par Champtocé et Saint-Augustin-des-Bois, je me suis rappelé ma double enfance : celle de Paris, durant l’année scolaire où je ne me rendais pas compte des mouvements de la nature, et pas même des saisons. Et celle des vacances où, sitôt arrivé dans l’île de Bréhat, le paysage changeait toutes les cinq minutes : chez nous, là-bas, l’écart entre maré