Elisabeth Daynès est une «boulimique de têtes», elle l'avoue. Elle aimerait parcourir le monde un an durant pour photographier des visages, par milliers. Elle prendrait des jeunes, des vieux, des fronts bombés, fuyants, larges, des lèvres plissées ou charnues, des nez et surtout des peaux, poreuses, couperosées, dorées, tannées, transparentes, des yeux et, enfin, des regards, car «c'est cela qui crée le lien, donne la vie». Avec tout ce butin, elle reviendrait travailler à Paris, rue du Faubourg-du-Temple, au fond de la cour de la Grâce-de-Dieu, où elle fait, n'hésitons pas à le dire, des miracles.
Il est là, son atelier, au bout des mauvais pavés, difficile de le manquer. A travers la vitrine, on voit une femme nue, seins pendants, bras droit tendu, sans tête, des pots de couleurs, des étagères gorgées de bustes en plâtre et, sur un piédestal, un crâne, comme scalpé, blanc sur le fond d'un rideau noir, piqué de bâtonnets de bois, les yeux vifs, exorbités fixant un Jack Nicholson en couverture d'un livre de portraits, non loin d'un écorché et des images d'un cerveau scanné… Elisabeth, qui accueille en jean, grand sourire, saisit le regard interloqué. «Ça, c'est la tête de la Magdalénienne trouvée aux Eyzies, en Dordogne. Elle est morte à 18 ou 20 ans, il y a quinze mille ans environ, dit-elle avec l'accent du Languedoc. Elle partira à Chicago pour la présentation de "Lascaux III", une grande exposition itinérante qui sera inaugurée l'an prochain