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Libération

Orgyie de pudibonderie

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publié le 18 mai 2012 à 19h07

Une découverte, aux premiers jours de mars, sur la bûche de chêne que je m’apprêtais à enfourner dans le poêle indispensable. Un cocon de trois centimètres, couleur paille, comme tissé d’une toile de jute. Hop, dans la boîte pour insectes offerte par Marine Baudrillard, voisine, certains week-ends, en mon sud-est. Trois semaines passent sans le moindre souffle en cette forme oblongue qui, lorsqu’on la caresse d’un doigt mineur, se trémousse en ses profondeurs.

Puis, le 30 mars, toc-toc discret contre le plastique de la boîte, un papillon en manteau de fourrure blanche me fait des signaux désespérés. L’abdomen est rondelet, les antennes, deux cils de princesse moghole, sont d’une teinte abricot.

Mais, le plus remarquable en dehors du costume, pur vison pour aller voleter sur la banquise, sont les yeux de la belle, énormes, plus noirs que le plus sombre des lacs souterrains. La nuit sans lune dans une pelisse d’hermine. Rapprochés, ils ont un aspect poignant et donnent à l’insecte une mine de personnage de dessin animé.

Le papillon chute dans la boîte et se débat, regrimpe dans les hauteurs et semble me dire : «Hey Ducon, t'as pas bientôt fini de me remettre ?» Je le libère sur un tapis laineux en ayant pris soin, belle inspiration, de le replier en chemise. Aussitôt, l'Orgyie pudibonde (Elkneria pudibunda) s'empresse d'aller se pendre dans la pénombre, accrochée par ses pattes antérieures où, en moins de vingt minutes, ses quatre ailes, alors myrmidones, vont s'allonger