Pierre Papon, ex-directeur général du CNRS, publie Bref Récit du futur (1). Il y trace une «prospective 2050 sur les relations entre sciences et société».
La prospective, écrivez-vous, doit «détecter les signes annonciateurs de changements». Quels en sont les principaux ?
Je tente de détecter des signaux de changements de paradigmes qui enfanteront des ruptures dans les grands domaines scientifiques. Comme le géologue qui ne prévoit pas les séismes mais identifie les failles où ils se produiront. En physique, c’est le fossé entre la théorie quantique et la théorie de la relativité ou les mystérieuses matière et énergie noires censées constituer l’essentiel de l’univers. La plupart des biologistes conviennent que tout n’est pas explicable par les gènes. Il faut traiter le vivant comme un système où les interactions entre gènes, protéines, environnement seront comprises, modélisées. Je vois une rupture majeure avec la biologie de synthèse. En informatique, il faudra changer de paradigme puisque les composants des «puces» auront une dimension analogue à celle des molécules. L’informatique quantique sera peut-être une solution. Voilà des lignes de faille.
Les prospectives se sont souvent avérées fausses, l’exercice n’est-il pas vain ?
«L'inévitable n'arrive jamais et l'inattendu toujours», disait Keynes pour l'économie. Des exemples de prospectives fausses abondent. Comme les prévisions du Plan des années 60. Néanmoins, des personnalités ont vu juste. Comme ce père dominicain qui fait en 1948 une prospective remarquable de l'informatique et de la cybernétique pour l'industrie et la science. Il faut éviter de pêcher par linéarité, en extrapolant les