Nicolas Witkowski est un amoureux déçu. Amoureux des sciences mais déçu de leur cours actuel et de l'usage qu'en fait Homo sapiens dans sa version technophile. Il a fait de cette position ambivalente le moteur de son «dictionnaire politique des sciences», justement qualifié de Science infuse, car c'est par la politique que la science diffuse dans la société et, en retour, qu'elle organise aujourd'hui pour l'essentiel ses forces humaines. Et c'est là que, pour l'auteur, le bât blesse.
De ce point de vue naît un ouvrage tantôt stimulant, drôle, informatif, et tantôt déconcertant. La première veine se lit avec plaisir tant Witkowski sait, en peu de termes, décrypter mots-clés et personnages centraux des sciences et leurs relations avec la société. Expliquer en quelques lignes un trou noir, le vide quantique ou l'unification des théories physiques. Raconter les avatars de la sociobiologie, de Lyssenko, les manipulations de la science par les industriels du tabac ou de l'automobile, puisque nicotine et plomb font de juteux profits. Décaper la notion de principe anthropique, ou de génie - le professeur de psychologie Dean K. Simonton se lamente de la disparition des génies de la science, dans Nature du 31 janvier, car l'essentiel du travail aurait été fait ; une idée bizarre si l'on considère la crise de la physique théorique ou la contestation de la notion de gène. L'article «Génétique» du dictionnaire de Witkowski évoque d'ailleurs en quelques