Jacqueline Goy est la spécialiste mondiale des méduses. Elle est aussi la seule sur Terre, sans doute, à éprouver beaucoup de reconnaissance, et une affection qui frôle la passion, pour ces translucides hyperrésistants à l’adversité, et au contact désagréable et parfois mortel. Rencontre à l’Institut océanographique de Paris avec une chercheuse heureuse.
Peut-on dire que vous êtes une pionnière dans l’étude des méduses ?
Cela fait quarante ans que je leur consacre ma vie professionnelle, depuis ma thèse, en 1968. Mais d’excellentes études existaient déjà lorsque j’ai débuté. C’est en France que s’est développé en premier l’intérêt pour ces invertébrés, pour une raison qui amusait beaucoup le grand historien François Furet. On n’imagine pas à quel point la Révolution française a contribué au développement de l’histoire naturelle, et notamment à l’essor des études sur les méduses ! Car dès qu’on bannit la Genèse comme origine du monde, il faut trouver une autre explication. Lamarck décrète en 1809 que la vie commence dans les masses gélatineuses qui dérivent dans l’océan. Avec son soutien, Charles-Alexandre Lesueur et François Péron se lancent dans une expédition, qui va durer quatre ans, jusqu’en Australie. Ils parviennent à dénombrer jusqu’à 70 espèces différentes de méduses. Et sont les premiers à remarquer qu’il y a des endroits où elles sont peu nombreuses, et d’autres où elles pullulent. Ils en déduisent qu’elles ne se reproduisent pas de la même manière ou à la même vitesse partout. Mais dans ces années-là, la pollution n’existe pas. Il