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Exposition

Au Quai-Branly, un petit tour en ethnologie

Le musée parisien a consacré deux journées aux mythes, coutumes et objets rituels de ces peuples si éloignés de nous.
(Jean-Pierre Dalbéra / Flickr )
publié le 15 mars 2015 à 18h02

Et toi, t'as fait quoi ce week-end ? Au Quai Branly, nous avons voyagé sur des cartes, dans des villages à cinq jours de marche à pied dans la forêt, dans le cadre de l'événement «L'ethnologie va vous surprendre !». Avec l'anthropologue Pierre Lemonnier, nous sommes allés en Papouasie-Nouvelle Guinée, voir comment la tribu des Ankaves chasse les morts à coups de tambour. Puis le spécialiste nous a présenté les Ombos, des monstres cannibales et invisibles qui tuent les gens pour en faire des cadavres putréfiés, les emportent de l'autre côté du tourbillon pour les manger en assemblée. En fait, c'est pour ça que les Ankaves vivent séparés. Et aussi à cause de leur oncle maternel mais là, ce serait trop long à expliquer…

«Certains objets ne rentrent pas dans les musées, sauf sous forme de paroles», a répété le spécialiste. Trop volumineux, trop lointains, insaisissables. Ce sont des mythes, des objets rituels, comme ces constructions bâties pour s'approcher du soleil. Pour nous les présenter, les ethnologues nous ont donc baladés, tout autour de la terre. Et nous les avons crus, sur parole, quand ils nous ont raconté que chez les Ankaves, les serpents sont éternels ou que lorsque les rugbymen samoans ont rencontré les Bayonnais, ils se sont exclamés : «C'est quoi ces sauvages !» (dixit Julien Clément, anthropologue du corps).

Dessin Erwan Surcouf

Pour nous convaincre, ils avaient rapporté des chants, des cris, des sons «à vous couper le foie» comme ils disent là-bas. Certains ont même imité la tourterelle, en ajoutant, plutôt sérieux : «Il faut une vingtaine de générations pour obtenir un chant de qualité, en termes de rythme, de tessiture». Stéphane Renesson sait de quoi il parle. Anthropologue et spécialiste des combats de scarabées-rhinocéros, de poissons demi-becs, ou plus récemment des bulbul, ces passereaux asiatiques, il a suivi ces Thaïlandais, partis en quête du chant de l'oiseau parfait, «de l'incarnation du souffle primordial».

Nous les avons donc suivis… Au Brésil, aux côtés des adeptes de la religion Santo Daime (un film de Patrick Deshayes) à récolter la liane des esprits pour en tirer l'ayahuasca, un breuvage consommé par les chamans. Selon un adepte, «c'est une lumière très fine, avec des couleurs dedans que l'on ne peut pas voir». Puis nous avons regardé des Belges déjeuner en se faisant de l'œil, sur une bande-son de Dario Moreno. L'homme passe un huitième de son temps à manger. Vous le saviez ? On a appris des choses et on s'est également pas mal questionné. Pourquoi, à Taïwan, envoient-ils donc des oiseaux avec des GPS sur le dos ?

Des explorations instructives, ironiques, poétiques, parfois caustiques. Dans Le temps des bouffons, un pamphlet ultra-critique sur la société québécoise, Pierre Falardeau, le réalisateur, avait annoncé la couleur. «Une fois par année, les fous sont maîtres, tandis qu'en temps normal ce sont les maîtres qui sont fous.» C'était trop. Un spectateur a quitté la salle, en éructant un «film de gauchistes».

Pendant ce temps, d’autres riaient, somnolaient, griffonnaient des notes ou posaient des questions hors sujet. Entre le théâtre Claude Levi-Strauss et les collections permanentes du musée, le week-end a défilé. Et en sortant, le monde nous a paru un peu plus grand.