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Est-ce que les planètes ont une gueule d'atmosphère ?

Ce week-end sont organisées partout en France des manifestations pour «la Nuit des étoiles». L'occasion d'aller visiter les nuages de Vénus et les vents de Neptune.
La Grande Tache rouge de Jupiter est une tempête vieille de plusieurs siècles, ici photographiée par la sonde «Voyager 1» en 1979. (Photo Nasa)
publié le 7 août 2015 à 15h00

Attention, elles arrivent ! Et tout est prêt pour les accueillir. La lune est en train de décroître, le ciel s’obscurcit et les ondées qui traversent la France ne devraient pas nous empêcher de trouver un soir ou deux de beau temps. On n’aura plus qu’à sortir du placard les chaises longues et un petit plaid pour admirer… les étoiles filantes. Comme tous les ans, la Terre traverse entre juillet et août un champ de poussières laissées par le passage de la comète Swift-Tuttle, qui flambent en traversant notre atmosphère et animent le ciel nocturne.

Cette année, le pic d'activité de cet essaim d'étoiles filantes sera le 13 août à 5 heures du matin : en regardant au bon endroit (vers la constellation de Persée), on pourra compter un bolide par minute. Mais les traditionnelles festivités de la «Nuit des étoiles» auront lieu quelques jours avant, vendredi 7 et samedi 8 août. Le thème choisi par l'Association française d'Astronomie (AFA), après «les comètes» l'an dernier, est celui du climat, de la biodiversité et des atmosphères planétaires. Sujet brûlant s'il en est, à quelques semaines de la COP21 et à l'heure où la sonde américaine New Horizons nous dévoile les secrets de l'atmosphère de Pluton. En partenariat avec l'association Humanité et biodiversité (dont le président est Hubert Reeves), des dizaines d'associations d'astronomes amateurs ou professionnels à travers la France en profiteront pour parler climat terrestre et atmosphères extraterrestres au grand public. Ils n'oublieront pas non plus d'amener leurs gros télescopes pour admirer Saturne, bien positionnée pour l'observation en ce moment. La carte des manifestations est disponible sur le site de l'AFA.

Atmosphères, atmosphères...

«L'observation et l'étude de notre Système solaire nous ont permis de comprendre que l'atmosphère terrestre est unique parmi des mondes planétaires hostiles et stériles», rappelle l'AFA. Rien que chez nos voisines immédiates, la panoplie des atmosphères est très hétéroclite… et assez méconnue. On en découvre tous les jours ! Petit voyage, des planètes les plus proches aux plus éloignées du Soleil.

 Sur Mercure

Mercure en 2011 par la sonde Messenger, en (à peu près) vraies couleurs. Circulez, y a rien à voir.

Il fut un temps où Mercure a sans doute possédé une atmosphère digne de ce nom, tout au début de sa vie, quand ses jeunes roches en fusion ont libéré du gaz. Mais la petite planète n'était pas assez lourde pour la conserver bien longtemps par les effets de la gravité, et pas assez abritée de ce monstre cracheur de feu qu'est le Soleil, installé juste à côté d'elle. L'atmosphère a été rapidement soufflée par le vent solaire (des rafales d'ions et d'électrons) et depuis, il n'y a pratiquement plus rien.

Comment sait-on tout cela ? Par exemple parce que Mercure est criblée de cratères, pire qu'une poussée d'acné. Si elle avait eu une atmosphère à l'époque du «bombardement» qui a frappé le Système solaire, il y a 4 milliards d'années, celle-ci aurait freiné les chutes d'astéroïdes et consumé les plus petits d'entre eux. En plus, les cratères sont bien affûtés : depuis leur formation, ils n'ont donc subi aucune érosion due aux vents (contrairement à ceux de Mars).

Sur Vénus

Les nuages de Vénus vus par la sonde Pioneer Venus Orbiter en 1979. Photo Nasa

Vénus, c'est tout l'inverse. La planète infernale a une atmosphère épaisse et brûlante. A la surface, il fait environ 470° C et plus de 90 bars de pression (la moyenne sur Terre étant de 1 bar, pour comparaison). La couverture nuageuse de la planète est si dense qu'il est impossible de voir quoi que ce soit à travers. Le seul moyen de scruter les détails de la surface planétaire est de prendre des images par radar – c'était le job de la sonde Magellan entre 1989 et 1994.

Les nuages sont composés d’acide sulfurique, ils forment des vortex au niveau des pôles, on soupçonne des éclairs et un grondement d’orage quasi-permanent, et les vents soufflent à 100 mètres par seconde : bonjour l’angoisse. A noter qu’il vente tellement fort sur Vénus que son atmosphère fait un tour de la planète en 4 jours terrestres, alors que la surface rocheuse ne boucle sa rotation qu’en 243 jours. Quand Vénus était jeune, elle a peut-être été plus accueillante. Mais un gros effet de serre peut avoir causé l’évaporation de toute son eau et l’épaississement de l’atmosphère.

Sur Mars

L’atmosphère martienne vue par une sonde Viking en 1976. Photo Nasa

L'atmosphère martienne ressemble vaguement à celle de Vénus par sa composition – une majorité de dioxyde de carbone (96%), un peu d'azote (1,9%), un poil d'argon (1,9%) –, mais en version beaucoup plus légère. Elle est également plus ténue que l'atmosphère terrestre – c'est pourquoi il est si difficile d'y faire atterrir des robots comme Curiosity, car les frottements de l'air ne les freinent pas suffisamment ; il faut construire des parachutes géants et des rétrofusées pour amortir la chute. L'une des missions de Curiosity, justement, est de faire le point sur la présence de méthane dans l'atmosphère martienne. Un gaz particulièrement intéressant, puisqu'il pourrait être le signe d'une trace de vie… Ou pas.

La couleur orangée de Mars vient des kilos de poussière que balayent sans cesse des tourbillons venteux : ce sont les tempêtes de sable les plus violentes du système solaire. Pendant les périodes d'accalmie, le ciel est plutôt bleu. Ce qui a donné récemment une magnifique photo de coucher de Soleil martien par Curiosity.

Sur Jupiter

Jupiter par Voyager 1, en 1979. Photo Nasa / JPL-Caltech

On quitte les planètes rocheuses pour entrer dans le domaine des planètes géantes gazeuses – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Comme elles ne contiennent pas de matière solide, que leur noyau est fluide et le reste un gros gloubi-boulga de gaz, bref, qu’il n’y a pas de surface à ces planètes, qu’appelle-t-on exactement leur «atmosphère» ? Ah, pas facile… Il a fallu prendre une décision arbitraire : entre l’altitude où la pression est de 10 bars et celle, 90 kilomètres plus haut, où elle est de 1 bar, c’est l’atmosphère.

Jupiter a la plus belle atmosphère à observer : ses nuages jaunes, orange et rouges se répartissent en bandes horizontales dont les volutes changent continuellement de forme. Il y a la bande tempérée Nord, la bande équatoriale Nord, la bande équatoriale Sud… Et la «Grande Tache rouge», une tempête plus grosse que la Terre et âgée de plusieurs siècles. La Nasa vient justement de publier un nouvel article sur le sujet, illustré de photos de la Grande Tache rouge en fausses couleurs dignes d'un Van Gogh.

Le déplacement des bandes nuageuses de Jupiter, en accéléré bien sûr (les taches noires sont l'ombre des satellites de Jupiter).

Dans l’épaisseur de l’atmosphère jovienne, les gaz s’organisent par couches. La strate externe est constituée de nuages de glace d’ammoniac. En dessous, ce sont des nuages d’hydrogénosulfure d’ammonium, et près du cœur, des nuages d’eau et de glace.

Sur Saturne

Saturne par la sonde Cassini, en 2012. Photo Nasa/JPL-Caltech/SSI

Oh, le bel orage que voilà ! La sonde Cassini, qui tourne autour de la géante Saturne, a photographié une tempête monstrueuse (plus grosse que la Terre) qui s'est déployée entre 2010 et 2011 en faisant le tour complet de la planète. Un tel phénomène n'a été observé que six fois depuis leur première découverte, en 1876. Son origine ? Un peu comme sur Terre : les tempêtes sont causées par un phénomène de convection quand les gaz chauds et froids s'entremêlent. Elles prennent fin grâce aux molécules d'eau, plus lourdes que l'hélium et l'hydrogène, qui se sépare dans une couche plus basse.

Mais il y a plus impressionnant encore. Au pôle Nord de Saturne tourne continuellement (à 320 km/h) un nuage gigantesque en forme… d'hexagone. Si, si, avec des angles. Des expériences de laboratoire à l'université d'Oxford ont permis de reproduire une forme aussi exotique dans un réservoir de liquide, mais l'Hexagone de Saturne continue d'intriguer les scientifiques. D'autant plus qu'il n'a pas faibli depuis 1980, et qu'il pourrait bien être âgé de plusieurs siècles…

 Sur Uranus et Neptune

Une aurore polaire a été vue en 2011 sur Uranus. Image composite de la planète vue par Voyager 2, et de l’aurore par Hubble.

Uranus et Neptune, ça commence à faire loin. Ces deux planètes n'ont été survolées qu'une seule fois par la sonde Voyager 2, respectivement en 1986 et 1989. Depuis, on les observe de loin avec le télescope spatial Hubble. Sur Uranus, il n'y avait vraiment pas grand-chose à voir. Elle est uniformément bleue. On considère que son atmosphère s'étend de l'enveloppe externe où la pression est de 1 bar à celle, plus profonde, à 100 bars et 47° C. Il y a de l'hydrogène, de l'hélium, des nuages de méthane, des vents et de vagues variations saisonnières. Récemment, on y a détecté de violents orages visibles depuis la Terre.

Des nuages neptuniens photographiés par Voyager 2 en 1989.

Sur Neptune en revanche, on a vu des bandes blanches de nuages dès le passage de Voyage  2, et même une «Grande Tache sombre» (rappelant la Grande Tache rouge de Jupiter), qui a disparu en 1994 avant d'être relayée par une autre, similaire, peu de temps après. Les nuages se déplacent avec les vents les plus puissants du système solaire – jusqu'à 550 mètres par seconde à l'équateur.

Sur Pluton

L’atmosphère de Pluton éclairée par le Soleil. Photo de New Horizons en 2015. Nasa/JHUAPL/SwRI

Nos connaissances sur l’atmosphère de Pluton sont plus que fraîches : elles sont en train de s’enrichir en ce moment même, à mesure que la sonde New Horizons envoie à la Terre ses observations réalisées au survol de la planète naine, le 14 juillet. En s’éloignant, la sonde a vu Pluton de dos, éclipsant le Soleil. C’est un instant crucial : la lumière solaire a alors formé une couronne autour de la surface de la planète, éclairant son atmosphère et permettant d’en mesurer très précisément la composition.

Avec sa dominante d’azote (à 90%), elle ressemble un peu à celle de la Terre. Mais le reste est du monoxyde de carbone, du méthane et de l’éthane, à une pression quasi nulle. Et surtout, elle a des fluctuations très mystérieuses. Quand Pluton s’éloigne du Soleil, son atmosphère se condense, gèle et tombe au sol. En se rapprochant à nouveau du Soleil, cette poudre d’atmosphère se sublime à nouveau.

Le vent solaire provoque l’échappée de l’atmosphère de Pluton.

Et, poussé par le vent solaire, l’azote s’échappe à un rythme de 500 tonnes par heure. On estime que Pluton a déjà perdu depuis sa naissance l’équivalent de 1 à 3 kilomètres d’atmosphère. Il reste à comprendre par quel miracle il en reste encore aujourd’hui… Elle doit être régénérée d’une manière ou d’une autre, peut-être via une activité géologique, avec des geysers ou des cryovolcans.