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Libération
Éditorial

Climat, on est loin du compte

COP21dossier
publié le 21 août 2015 à 18h36

Le réchauffement planétaire s'est-il arrêté en 1998, comme l'affirmait en janvier le géophysicien Vincent Courtillot lors d'une séance de l'Académie des sciences à Paris ? Non, il persiste et s'amplifie, indiquent les derniers relevés de températures. Le mois de juillet s'élève ainsi de 0,75°C par rapport à la moyenne calculée sur 1951-1980. C'est sans précédent dans une série statistique en cours depuis cent trente-six ans. Sur les douze derniers mois, d'août 2014 à juillet 2015, l'écart par rapport à la moyenne atteint les + 0,80° C.

Cette année est donc bien partie pour ravir le record de température annuelle… à 2014, qui l’avait chipé à 2010, qui l’avait volé à 2005. La courbe de la fièvre planétaire poursuit son envolée, indifférente aux ratiocinations des climatosceptiques. Le record probable de 2015 sera en partie dû au phénomène océanographique El Niño, qui réchauffe périodiquement les régions centrales et de l’est du Pacifique tropical.

Ces observations factuelles percutent violemment le débat politique mondial dans la perspective de la COP 21, la 21e Conférence des parties signataires de la convention climat de l'ONU, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 10 décembre. Elles signifient bien sûr que la poursuite de la trajectoire actuelle des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la cause de ce changement climatique rapide, promet d'exploser l'objectif de ne pas dépasser les 2° C d'augmentation de la température moyenne relativement au niveau pré-industriel. Et que seuls les scénarios les plus sévères, avec des émissions «négatives» à la fin du siècle (inférieures à la capacité d'absorption des océans ou de la biosphère), permettraient de l'atteindre. Mais pas seulement.

Une étude du Grantham Institute (qui dépend de la London School of Economics) parue la semaine dernière analyse les «promesses» déjà déposées auprès du secrétariat de la convention de l'ONU par 46 Etats, dont les 28 de l'Union européenne, la Chine, les Etats-Unis, la Russie ou le Japon, en vue de la COP 21. Or, après compilation, harmonisation et estimations des émissions des autres Etats, l'étude conclut que leur réalisation déboucherait sur des émissions mondiales d'un peu moins de 60 gigatonnes d'équivalent CO2 par an en 2030. C'est moins que la poursuite de la trajectoire actuelle. Mais beaucoup plus que les 36 gigatonnes qui donneraient une bonne chance d'éviter de dépasser les 2° C selon les scientifiques. D'autant qu'un doute raisonnable règne sur la réalisation de ces promesses, à l'heure où les prix des énergies fossiles s'écroulent, favorisant leur usage massif.

Au mieux, un succès de la COP 21 constituerait donc un pas, timide, dans la bonne direction. Un signe clair de l’incapacité actuelle de l’humanité à affronter le défi climatique résultant de son développement économique.