«Désormais, ces mots infamants font partie de mon œuvre, la dépassent, la stigmatisent au nom de nos principes universels. "Dirty Corner" restera donc ainsi.» L'artiste britannique Anish Kapoor l'a annoncé lundi matin dans le Figaro : il n'enlèvera pas les inscriptions antisémites maculant son œuvre depuis ce dimanche dans les jardins du château de Versailles.
Sauf qu' en France, les propos racistes et antisémites sont interdits. Tout discours de haine - injure, diffamation, incitation à la haine et discrimination - est puni par les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L'œuvre de Kapoor est, par principe, offerte aux yeux du public. Et rien, a priori, n'empêcherait qu'une association, légitimement heurtée par la violence des propos, décide de poursuivre l'artiste ou le château de Versailles ((en plus des véritables auteurs des inscriptions). Mais il serait étonnant que des juges ainsi saisis les condamnent. En effet, «dans les affaires d'injures et de diffamation, les juridictions doivent toujours, pour apprécier le caractère antisémite ou raciste d'un propos, prendre en compte l'intention de celui qui l'a prononcé ou qui a pris la responsabilité de sa diffusion», explique Nicolas Hervieu, juriste au Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux (Credof). Ici, la démarche de Kapoor est claire : en conservant les inscriptions antisémites, il veut témoigner de leur violence et dénoncer l'antisémitisme. «Je vois mal un juge dénier à Kapoor son droit à décider de l'avenir de son œuvre, poursuit Nicolas Hervieu. Il s'agit d'une réappropriation artistique : par sa démarche, l'artiste change la signification et la portée de ces propos.»