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Vie sur Mars : une goutte d’espoir

La Nasa a confirmé lundi la présence d’eau liquide sur la Planète rouge. Une découverte qui y relance la recherche d’organismes vivants.
Les coulées noires visibles sur Mars seraient causées par de l'eau liquide salée. (Photo NASA. JPL. University of Arizona)
publié le 28 septembre 2015 à 19h56

La Lune a fait son intéressante dans la nuit de dimanche à lundi, revêtant une belle robe orange sanguine à l’occasion d’une éclipse totale… Mais sa tentative de diversion n’a pas duré longtemps. La seule, l’unique et véritable Planète rouge a vite retrouvé les devants de la scène avec cette annonce fracassante de la Nasa, lundi soir : de l’eau liquide a coulé et coule toujours, aujourd’hui, sur Mars.

Voilà plusieurs jours que l'agence spatiale américaine faisait monter la mayonnaise. «Un mystère de Mars résolu ?» tweetait son (efficace) service de communication la semaine dernière. Ce week-end, c'est carrément «une découverte scientifique majeure» qu'il faisait miroiter. Mi-excitée mi-blasée, la communauté des astronomes et des astrophiles a fait de son mieux pour ne pas trop s'emballer : c'est loin d'être la première fois qu'on nous promet la révolution martienne. On se souvient trop bien de Noël 2012, quand un scientifique responsable du robot Curiosity - qui ne roulait sur Mars que depuis quatre mois - avait promis des données qui entreraient «dans les livres d'histoire». Dans une surenchère de frénésie, les réseaux sociaux ont fantasmé la découverte de fossiles, de bactéries, d'océans souterrains d'eau liquide, voire de monolithes… En fait, la Nasa voulait seulement annoncer que les instruments de Curiosity fonctionnaient parfaitement, et se félicitait du bon travail qu'il allait pouvoir accomplir sur Mars. Youpi.

Depuis, l’actualité martienne progresse à son rythme, sans coups d’éclat : Curiosity a photographié de vieux fonds lacustres, Curiosity a détecté de l’azote à la surface de Mars… Mais ce n’est finalement pas le sympathique rover aux airs de Wall-E qui a apporté la preuve de la présence d’eau liquide.

Marbrures. Lujendra Ojha, chercheur américain du Georgia Institute of Technology, qui publie ce lundi sa découverte dans la revue britannique Nature Geoscience, s'est appuyé sur les photos haute définition du satellite Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), qui survole la Planète rouge depuis 2006. Son équipe a remarqué de drôles de marbrures noires apparaissant et disparaissant périodiquement au cours des saisons martiennes. Quand il fait froid, ces lignes sont étroites et longues de moins de 5 mètres. Quand la température remonte, elles épaississent et s'allongent. Lujendra Ojha et ses collègues les ont nommées recurring slope lineae («lignes inclinées récurrentes»), et pensent depuis 2010 que de l'eau liquide coule le long des dunes martiennes durant la saison douce, chargée d'un sel, le perchlorate, qui laisse ces traces noires à la surface. Cette idée permettait aussi de comprendre pourquoi les coulées s'étendent alors qu'il fait rarement plus de 0 degré Celsius sur Mars : une solution d'eau salée gèle à une température plus basse que l'eau douce (jusqu'à - 70 degrés).

Lacs. L'étude d'Ojha et son équipe publiée aujourd'hui veut apporter la preuve que cette hypothèse était la bonne. Grâce au spectromètre de l'appareil photo sur le satellite MRO, ils ont analysé la composition des minéraux martiens dans différentes longueurs d'ondes et confirmé la présence de sels dilués. L'eau n'a pas été détectée directement, mais elle est forcément intervenue dans le mécanisme de formation des traînées noires, explique Ojha.

Les planétologues ont déjà prouvé que Mars était couverte de fleuves et de lacs il y a des millions d'années, et se doutaient que des molécules d'eau liquide pourraient toujours se trouver à la surface. Mais cette fois, c'est sûr et certain. «Mars n'est pas la planète aride que l'on imaginait auparavant», se réjouit Jim Green, planétologue de l'université de l'Iowa. La présence d'eau est avérée ; reste à définir son origine exacte. Selon Lujendra Ojha, il y a trois possibilités. Soit l'eau vient du sol sous forme de glace, et fond au contact du perchlorate. Soit elle est captée par le sel depuis un état gazeux dans l'atmosphère martienne. Soit les molécules s'échappent d'un aquifère, une roche poreuse.

Missions humaines. Encore plus excitante, la recherche de la vie sur Mars va repartir de plus belle, nourrie d'un nouvel optimisme. Traces de vie passée ou même indices d'activité microbienne actuelle, tous les espoirs sont permis, tant l'eau liquide est intimement liée aux conditions de développement de la vie telle que nous la connaissons. C'est Michael Meyer, grand boss des programmes martiens à la Nasa, qui le dit lui-même : «Il semble que plus nous étudions Mars, et plus nous arrivons à comprendre comment la vie pourrait se développer et où sont les ressources pour subvenir à ses besoins dans le futur.» Faut-il y voir une allusion à de futures missions humaines, qui désaleraient l'eau des dunes pour alimenter en boisson une base scientifique sur Mars ? Oh que oui, même si rien n'est daté - la Nasa table toujours, a priori, sur une mission habitée à l'horizon 2030.

Quant à Curiosity et à son successeur, programmé pour rouler sur Mars et récupérer des échantillons dès 2020, ils sont interdits de visite dans les zones à recurring slope lineae. La Nasa ne pouvant pas garantir qu'ils sont suffisamment stériles, il y a un risque de contaminer l'eau martienne avec nos propres microbes terriens… Mais il n'est pas exclu que les patrons de Curiosity dévient sa route dans les mois à venir pour mieux approcher les écoulements d'eau du cratère Gale, où le robot navigue actuellement, et les inspecter à distance. On espérerait presque, sur ses prochaines photos, voir scintiller quelques gouttelettes.