Offrira-t-on toujours des roses à l'avenir, ou bien des «e-roses» ? C'est l'éventualité qui se dessine depuis que des chercheurs de l'université de Linköping, en Suède, ont réussi à intégrer des circuits électroniques à l'intérieur d'une fleur et à y faire circuler de l'électricité, sans tuer la plante. Une première, dont la revue Science Advances s'est fait l'écho vendredi.
«Nos travaux ouvrent le champ à de nouvelles technologies et outils basés sur la fusion de composants électroniques organiques dans n'importe quelle plante», s'enthousiasment les auteurs de l'étude. Ceux-ci imaginent déjà des systèmes permettant de mesurer les besoins physiologiques des végétaux et de les nourrir de façon optimale, au bon moment et sans excès. Voire des dispositifs capables de produire et récupérer de l'électricité à partir de la photosynthèse.
Présentés comme une alternative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), leurs travaux poursuivent en réalité le même objectif, «optimiser les plantes». Il faut reconnaître que le système nutritif de celles-ci présente de nombreuses similitudes avec l'organisation des circuits électroniques. D'un côté, il y a les racines, les vaisseaux, les branches et les feuilles. De l'autre, on retrouve des branchements, des fils, des interconnexions et des appareils électroniques.
Pour transformer leur rose en cyborg végétal, les auteurs ont commencé par lui couper le bas de la tige avant de tremper la fleur dans une solution liquide d’eau et d’ethylenedioxythiophene (un mélange biocompatible connu pour ses propriétés de conduction d’électricité). Et c’est à peu près tout.
Une conductivité de 0,1 siemens par cm
En sortant la plante vingt-quatre heures après, les chercheurs ont ainsi observé que le mélange était remonté d'une dizaine de centimètres le long des vaisseaux de la plante et s'y était solidifié, formant un véritable circuit électronique à l'intérieur. La rose leur a même filé un coup de main : «Cette variété est connue pour augmenter la concentration en ions divalents dans ses vaisseaux lorsqu'elle y détecte de potentiels agents pathogènes ou substances toxiques. Or, cette réaction de défense a facilité l'organisation et la formation des fils électroniques le long des parois intérieures», a expliqué Magnus Berggren, qui a participé à l'étude, au site spécialisé IEEE Spectrum.
Ses collègues et lui y ont ensuite fait circuler un courant électrique, mesurant une conductivité de 0,1 siemens par cm. Ils sont aussi parvenus à convertir les signaux chimiques en électricité à partir des propriétés du fameux «hydrogel» – ce qui permettrait selon eux de transformer la photosynthèse des plantes en source d’énergie pour l’homme.
Heureusement pour la plante, les chercheurs ont constaté que ce nouveau câblage ne l'empêchait pas d'acheminer l'eau et les nutriments nécessaires à son développement, depuis la base jusqu'aux feuilles. Ces dernières font d'ailleurs encore de la résistance, puisque le gel n'est pas remonté jusqu'à elles. Pour rendre les feuilles conductrices, les chercheurs n'ont eu d'autre choix que d'injecter la solution miracle directement dans celles-ci. Ils restent optimistes : «On va améliorer tout cela.»