Le 4 janvier, un cosmologiste américain prévoyait sur Twitter deux grandes nouvelles pour 2016 : une nouvelle particule au LHC (Large Hadron collider, plus puissant accélérateur de particules du monde, opéré par le Cern à Genève) et la confirmation de l’existence des ondes gravitationnelles. Il a ajouté quelques jours plus tard avoir des confirmations pour la seconde annonce. Un email publié dans Science Magazine corroborait ensuite ces éléments. La rumeur enfle depuis et pourrait trouver son terme jeudi 11 février. On annonce pour ce jour-là un article décisif dans Nature.
Que sont les ondes gravitationnelles ?
L’onde gravitationnelle, c’est une des chevilles de la théorie d’Einstein sur la relativité. Sauf qu’on n’a pas encore vraiment prouvé son existence. Les ondes gravitationnelles sont des ondulations de l’espace-temps se propageant à la vitesse de la lumière.
Pour simplifier, l’espace-temps peut-être comparé à un drap tendu sur lequel sont posés tous les astres. L’onde gravitationnelle est le mouvement du drap lorsqu’on dépose un peu violemment un nouvel objet sur le drap. Pensez aux vaguelettes qui se forment en cercles concentriques après un lancer de caillou. Ces ondes se déplacent à la vitesse de la lumière et plissent l’espace-temps, éloignant ou rapprochant entre eux les objets célestes.
Il y a deux types d’ondes gravitationnelles : les primordiales, qui datent du big-bang, et les autres, qui sont créées par d’autres événements de moindre importance mais impliquant tout de même pas mal d’énergie. Par exemple la rencontre de deux trous noirs, ces astres très denses aspirant masse et lumière autour d’eux, ou de deux étoiles à neutrons. Les changements sont cependant très faibles. Si on s’intéressait aux «plissements» entre la Terre et la Lune, le rapprochement serait de l’ordre de la taille d’un atome.
Comment espère-t-on les détecter ?
De gigantesques tunnels de 3 kilomètres ont été construits en forme de coude pour accueillir des interféromètres. Un laser est envoyé dans ces longs tunnels et réfléchi plusieurs fois par un miroir. Si aucune onde ne traverse au moment de l’expérience, les deux faisceaux reviennent au même moment. Mais si une onde passe par là, elle va troubler l’un des deux faisceaux et ils n’arriveront plus au même moment.
Ces détecteurs sont très puissants. «En Méditerranée, nos capteurs peuvent détecter un banc de crevettes et identifier de quelle espèce il s’agit», expliquait aux Echos Catherine Nary Man, de l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Il suffit donc que ces machines soient en fonctionnement lorsque les ondes émises par une rencontre céleste parviennent à la Terre. C’est ce que les chercheurs américains du projet Ligo (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) ont fait en attendant que les effets de la rencontre de deux trous noirs se fassent ressentir sur Terre. La dernière salve d’analyse s’est terminée le 12 janvier. Et c’est aussi ce que des chercheurs italiens et français essaient à Pise avec l’interféromètre Virgo. Ces deux projets ont commencé en 1989.
Pourquoi veut-on les détecter ?
Pour deux raisons. La première, pour confirmer un peu plus les théories d’Albert Einstein, ce qui ne fait pas de mal, cent ans après leur conceptualisation en 1916. La deuxième, parce que l’analyse de ces ondes donnerait naissance à une nouvelle astronomie, l’astronomie gravitationnelle, qui donnerait de nouvelles informations sur l’univers.
«A l’inverse de la lumière électromagnétique [celle que nous connaissons tous, ndlr], la lumière gravitationnelle n’est pas absorbée par la matière ; issue de sources lointaines, elle peut parvenir à la Terre en conservant toute l’information sur la configuration des sources qui l’ont engendrée», explique l’astrophysicien Jean Pierre Luminet dans le Destin de l’univers (Gallimard). En plus, cette analyse des ondes gravitationnelles permet d’en savoir plus sur les astres qui justement n’émettent pas de lumière électromagnétique, comme les trous noirs. Et ça, c’est pas mal. Rendez-vous donc le 11 février.