Dans le tiroir de son bureau, le psychiatre Franck Lamagnère, 63 ans, dispose d'un bric-à-brac peu ragoûtant : une boîte emplie de poussière, un mouchoir en papier taché de sang… Dans une commode, il entasse des dizaines de liquides désinfectants confisqués à ses patients. Installé à Paris, il est l'un des rares en France à consacrer 80 % de son temps à soigner les malades atteints de tocs. Auteur, en 1994, de Manies, peurs et idées fixes qui propulsa les tocs, jusque-là fort discrets, sur le devant de la scène, il a publié en ce début d'année Toc ou pas toc ? Reconnaître un trouble obsessionnel compulsif et le guérir (1).
Avec plusieurs ambitions : «Montrer l'extrême diversité de cette maladie. Des patients se plaignaient qu'on ne parle jamais de leur toc» ; décortiquer ces troubles «qui existent dans tous les pays du monde, quelle que soit la culture», sur un terrain génétique favorable. Et bien sûr aborder la question des soins. A base d'antidépresseurs jouant sur la sérotonine (sachant qu'un patient sur deux a fait ou fera une dépression) et d'«expositions». Adepte de la thérapie comportementale («Au début, dans les années 80, nous étions regardés comme des fous»), il confronte, comme cela se fait - entre autres - à la clinique Lyon Lumière, les malades à leurs obsessions (la souillure, par exemple) en leur apprenant à ne plus «compulser» (se désinfecter 20 fois…) : d'où son étrange matériel. «Certains patients optent pour des analyses le plus souvent inopérantes. Là, il faut entre six mois et deux ans pour retrouver une vie normale. Neuf patients sur dix voient leur vie améliorée. Quand les tocs résistent à tout, il y a l'option de la neurochirurgie fonctionnelle, qui consiste à stimuler une zone particulière du cerveau. A ce jour, aucun de mes patients - une vingtaine par jour - n'y a eu recours.»
(1) Ed. Odile Jacob, 328 pp., 23,90 €.