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Libération
Interview

«Aux yeux de certains, Alzheimer est un produit marchand»

A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer, ce jeudi, le neuropsychologue Francis Eustache démêle pour «Libération» le vrai du faux en matière de prévention.
Une femme souffrant d'Alzheimer, dans une maison de retraite à Angervilliers (Essonne). (Photo Sébastien Bozon. AFP)
publié le 21 septembre 2017 à 12h14

Pertes de mémoire, difficultés à s’exprimer ou à se repérer dans le temps… La maladie d’Alzheimer est la deuxième pathologie la plus crainte par les Français, selon un récent sondage publié dans la Croix. Aujourd’hui, 850 000 personnes en souffriraient dans le pays. Du fait du vieillissement de la population, ce chiffre pourrait grimper de manière exponentielle pour atteindre 1,3 million à l’horizon 2020. Ces dernières années, des études scientifiques ont néanmoins établi que certaines bonnes habitudes peuvent permettre de repousser l’apparition des symptômes. Pour Libération, le neuropsychologue Francis Eustache, directeur d’une unité Inserm à l’université de Caen-Normandie, les passe en revue.

Par quels moyens peut-on retarder l’apparition des symptômes de la maladie ?

En général, Alzheimer commence à se développer très tôt, à partir de la quarantaine. On ne peut pas le suspecter à cet âge car la maladie reste asymptomatique, c'est-à-dire que ses effets ne se font pas ressentir [le plus souvent jusqu'à 60 ans environ, ndlr]. Les études épidémiologiques menées ces dernières années apportent une idée de l'équation idéale pour repousser le plus longtemps possible l'apparition des symptômes. A commencer par une nutrition saine, comme dans bien des pathologies. Le régime méditerranéen, riche en légumineuses et pauvre en graisses, est idéal. Il faut l'associer à des activités sociales et intellectuelles. La musique ou les voyages sont deux parfaits exemples : cela permet au cerveau de travailler sa capacité d'adaptation, de résoudre des situations diverses et variées.

A l’inverse, quels facteurs peuvent participer à sa progression ?

Il ne faut pas penser que l'on peut se mettre à faire des marathons du jour au lendemain. Il faut composer avec son mode de vie antérieur. Dans un monde idéal, il faudrait faire la guerre aux neurotoxines et chasser le tabac, les pesticides ou autres métaux lourds [notamment présents dans l'aluminium, le mercure et le plomb, ndlr]. Adopter une alimentation saine, c'est aussi nécessairement limiter sa consommation de nourriture industrielle. Enfin, il faut s'assurer des nuits d'au moins sept heures. Dormir trop peu n'a jamais été bon pour le cerveau, sinon on le saurait.

Des services de coaching ou des programmes informatiques se vantent de pouvoir «entraîner» le cerveau. Qu’en est-il vraiment ?

C’est effrayant. Aux yeux de certains, Alzheimer est un produit marchand. Au nom d’une logique mercantile, on capitalise sur la peur des gens. J’ai pu voir des publicités franchement déplacées. Qu’on soit bien clair : les bénéfices de ce type d’offre n’ont pas été prouvés scientifiquement. Je pense d’ailleurs que cette prétendue «gymnastique du cerveau» est contre-productive. Elle habitue à une certaine manière de penser. Le cerveau est donc plus assisté que capable de se débrouiller par lui-même. Rappelons qu’on cherche quand même à rester maître de ses décisions.