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Le Nobel de chimie distingue «une belle méthode pour observer les molécules de la vie»

Le Suisse Jacques Dubochet, l’Allemand Joachim Frank et l’Ecossais Richard Henderson ont été récompensés pour le développement de la cryo-microscopie électronique, qui permet de photographier des molécules en mouvement en les congelant.
(Schéma Johan Jarnestad. Académie royale des sciences de Suède.)
publié le 4 octobre 2017 à 13h13

Onze prix Nobel ont été décernés l'an dernier et aucune femme ne figurait parmi les lauréats… 2017 est apparemment bien partie pour réitérer ce triste exploit – trois hommes ont été récompensés en médecine, trois hommes en physique, et encore trois hommes ce matin en chimie. L'Académie royale des sciences de Suède a choisi de couronner les inventeurs de la cryo-microscopie électronique : le Suisse Jacques Dubochet, l'Allemand Joachim Frank et l'Ecossais Richard Henderson.

Le duo franco-américain Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna faisait pourtant figure de favori pour sa mise au point de l'outil chimique Crispr-Cas9, qui permet efficacement de couper des gènes dans l'ADN de tout être vivant, voire de les remplacer par d'autres gènes.

Mais c'est donc la cryo-microscopie électronique qui a gagné. «Une belle méthode pour observer les molécules de la vie», a résumé Göran Hansson, le secrétaire général de l'Académie suédoise, et «déterminer la structure en haute résolution des biomolécules en solution».

«En solution», cela signifie «baignant dans un liquide» (en l’occurrence dans de l’éthane), a expliqué la chimiste suédoise Sara Snogerup Linse, un verre à la main pour illustrer son propos. Ainsi, les molécules peuvent évoluer librement. On les congèle ensuite très rapidement avant de les photographier au microscope électronique.

Cette technique développée dans les années 1980 permet «d'immortaliser les biomolécules en plein mouvement, et de visualiser des processus qu'on n'avait encore jamais vus», explique l'Académie royale dans son communiqué, ce qui est «décisif pour la compréhension de la chimie de la vie et le développement de médicaments». Par cryo-microscope électronique, on peut voir «chaque atome séparément dans une molécule», et «comment les différentes parties des protéines fonctionnent les unes par rapport aux autres».

Jacques Dubochet a réussi au début des années 1980 à «vitrifier» une solution aqueuse, c'est-à-dire «la refroidir si rapidement qu'elle s'est solidifiée autour d'un échantillon biologique, permettant aux biomolécules de garder leur forme naturelle». Joachim Frank s'est distingué en développant, entre 1975 et 1986, «une méthode d'imagerie pour analyser et fusionner les images floues et bidimensionnelles du microscope électronique pour révéler des structures nettes en 3D». Quant à Richard Henderson, il a réussi à générer une image de protéine en trois dimensions en 1990, avec une résolution suffisante pour distinguer chaque atome. Son image «a prouvé le potentiel de cette technologie».