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Les plus vieilles peintures rupestres, des têtes embaumées et 76 000 singes de labo

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Dans l'actu scientifique de la semaine: une grotte à Bornéo détrône tranquillement le rhinocéros de Chauvet; les Gaulois embaumaient les têtes ennemies; les singes sont surexploités en biomédecine; et une splendide photo d'éclipse solaire.
Le dessin d'animal en bas à gauche est la plus vieille peinture faite par un humain. (Photo Luc-Henri Fage)
publié le 10 novembre 2018 à 16h45

Les trois actualités scientifiques qui ont retenu notre attention cette semaine.

Les plus vieilles peintures rupestres en Indonésie

Les plus vieilles peintures rupestres ne sont plus européennes mais asiatiques. A Bornéo, en Indonésie, une équipe de paléoanthropologues australo-indonésiens a daté les peintures préhistoriques de six grottes de l’île, qui représentent notamment un animal non identifié très volumineux et des empreintes de mains.

Le dessin d’animal en bas à gauche est la plus vieille peinture faite par un humain.

(Photo Luc-Henri Fage)

La teneur en uranium et en thorium mesurée dans les dépôts calcaires qui ont recouvert les pigments permet de conclure que ces œuvres figuratives avoisineraient les 50 000, voire 52 000 ans, lit-on dans Nature cette semaine. C'est un âge bien plus avancé que le point rouge peint il y a 40 800 ans dans la grotte espagnole El Castillo, et le rhinocéros de la grotte Chauvet, en Ardèche, vieux de 37 000 ans.

Qu’en déduire? Que l’art pariétal n’est pas strictement d’origine européenne selon une idée largement consommée, mais une forme d’expression apparue au même moment en différents points du globe. Mais pour consolider cette hypothèse, les grottes indonésiennes, découvertes pour les premières dans les années 90 par l’explorateur français Luc-Henri Fage, devront néanmoins livrer d’autres secrets, à commencer par la présence de traces d’installation humaine qui pourront attester d’une occupation contemporaine à cette culture rupestre raffinée. Dans la région, les plus anciens sites à ce jour fouillés sont datés à 20 000 ans.

Les Gaulois embaumaient les têtes ennemies pour en faire des trophées

C'était une rumeur millénaire, mais les faits sont aujourd'hui attestés scientifiquement: à l'âge du fer, il y a 2 800 ans, les Gaulois embaumaient les têtes de leurs ennemis tombés au combat pour en faire des trophées à disposer au-devant de leurs demeures. Décrites dans un article de la revue Journal of Archaelogical Science daté de mercredi, ces pratiques gauloises ont été mises au jour grâce à l'analyse chimique de 11 fragments de crânes humains – sur 2 500 exhumés avec des armes – et de restes animaux retrouvés lors de fouilles sur le site du Cailar, dans le Gard. Lequel est «un comptoir lagunaire fortifié», soit un ancien port de commerce impliqué dans les échanges avec les Etrusques et les Grecs à cette période, explique à Libération la chercheuse Réjane Roure, maîtresse de conférences à l'université Paul-Valéry de Montpellier.

Restes humains retrouvés sur le site de fouilles archéologiques du Cailar, dans le Gard (France).

(Photos : fouille Programmée Le Cailar-UMR5140-ASM)

«Depuis quelques années, on sait que des molécules chimiques d'éléments organiques peuvent être piégées dans des éléments inorganiques qu'on retrouve lors des fouilles archéologiques (dans des céramiques par exemple ou ici dans de l'os – les crânes –), même si on ne voit aucune trace de résidus, poursuit l'archéologue à l'origine de cette découverte. Les chimistes de l'université d'Avignon, avec qui le laboratoire d'archéologie de Montpellier a travaillé, ont alors détecté des traces de molécules de résineux, dont certaines ne sont présentes que quand la résine est chauffée. De plus, il y a sur les restes de crânes des traces qui montrent que [les têtes] ont été coupées.»

Vue du chantier de fouilles archéologiques du Cailar (Gard), France.

Elle conclut: «Nous sommes donc certains qu'il s'agit d'une pratique volontaire, pour conserver les têtes, comme le disent les sources antiques.» Selon les auteurs de cette étude, les textes antiques de Strabon et Diodore de Sicile décrivaient abondamment ces rituels celtiques post-champ de bataille, qui amenaient les vainqueurs à exposer des têtes embaumées avec de l'huile de cèdre. Des statues de guerriers gaulois à cheval avec des têtes autour du cou de leurs montures sont également connues sans que l'on ait en revanche pu identifier ces ennemis. Des analyses ADN et isotopiques sont en cours pour connaître leur profil, avant des résultats attendus en 2019.

76 000 singes dans les labos américains de biomédecine

Le nombre de singes utilisés pour la recherche biomédicale dans les laboratoires américains n'a jamais été aussi élevé. Selon la revue Science, qui se fait écho des dernières données du ministère américain de l'Agriculture, près de 76 000 primates non-humains ont été utilisés en 2017 pour des expériences en addictologie ou en épidémiologie. Un record, alors que 52% des Américains se disent opposés à de telles recherches sur nos plus proches parents. «Je pense que le recours aux primates augmente car ces animaux nous fournissent de meilleurs résultats, justifie à ce propos Jay Rappaport, directeur du Centre national de recherches sur les primates de Tulane, à Covington, en Louisiane. Nous avons plus que jamais besoin d'eux.»

Examen d’une femelle macaque rhésus enceinte et infectée par le virus Zika en 2016, aux Etats-Unis.

(Photo Scott Olson. AFP)

Ces dernières années, outre la pression activiste, l'expérimentation sur les primates – en très large majorité des macaques rhésus – a pourtant été fortement remise en question par les institutions de santé. En 2015, après une enquête fédérale sur la mort de quatre de ses animaux, l'université d'Harvard a par exemple été contrainte de fermer son centre de recherche sur les primates, rappelle l'article de Science, tandis que la plus haute autorité de santé américaine, le NIH, a mis fin à l'aide aux recherches sur les chimpanzés, expliquant que les tests sur ces primates n'étaient plus nécessaires pour la recherche biomédicale. Le recours expérimental aux chats, aux chiens, aux lapins et aux autres animaux semble en revanche avoir diminué selon ces données officielles.

La plus belle éclipse solaire

Le Français Nicolas Lefaudeux a mitraillé l'éclipse de Soleil du 21 août 2017, qui était visible depuis les Etats-Unis, et a remporté le titre d'«astrophotographe de l'année» au concours organisé par l'observatoire de Greenwich (Angleterre) dans la catégorie Soleil. Cet ingénieur en optique a combiné plus de 120 photos et 100 secondes cumulées d'exposition pour obtenir ce résultat.

L’éclipse de Soleil d’août 2017 vue par l’astrophotographe Nicolas Lefaudeux, et repérée par

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Il a utilisé l'ouverture maximale de son appareil photo à F/1,4, explique-t-il sur son blog, pour «collecter le plus de lumière possible pendant l'éclipse et obtenir le meilleur ratio signal sur bruit». Le plus difficile était ensuite de soustraire la lumière bleutée du ciel pour distinguer la couronne solaire, bien plus faible. Dans son image, on peut finalement distinguer des centaines d'étoiles (dont Régulus, la bleutée juste à gauche du Soleil), mais aussi les détails de la surface lunaire et Mars qui pointe son nez écarlate à droite du cadre.

Pour un niveau de détails hallucinant dans la couronne solaire, on peut aussi jeter un œil à ses photographies en haute résolution. Boucles coronales, éruptions solaires, perturbations magnétiques… Avis aux amateurs de sunporn.

Et aussi…

Les abeilles victimes de leur intelligence? Pour butiner, elles font preuve de capacités cognitives étonnantes. Mais malheureusement les pesticides et les métaux lourds attaquent la communication entre neurones, le butinage est perturbé, et c'est toute la colonie qui est en danger.