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Astronomie

Pourquoi la première image d'un trou noir est historique

Le projet du «télescope de l’horizon des événements» tentait depuis 2006 de prendre une photo de la surface lumineuse qui entoure ces astres massifs. L’équipe de plus de 200 chercheurs a annoncé ce mercredi être parvenue à ses fins.
La toute première image d’un trou noir, au centre de la galaxie M87, dévoilée en 2019. Elle a été formée à partir des observations de l’Event Horizon Telescope, un réseau d’observatoires et radiotélescopes à travers le monde. (Photo Event Horizon Telescope)
publié le 10 avril 2019 à 16h40

C’est donc à ça que ressemble un trou noir ? A… un trou ? L’image, presque aussi décevante qu’émouvante, est d’abord et surtout historique.

Les trous noirs sont des astres très massifs résultant de l’explosion d’une étoile en supernova à la fin de sa vie : elle expulse violemment ses couches externes de gaz, et il subsiste en son cœur un résidu de matière effondré sur lui-même, très dense, dont le champ gravitationnel est si fort qu’il empêche même la lumière de s’échapper. Un tel objet est donc par définition inobservable – et en plus, il est minuscule : un trou noir de la masse du Soleil ferait 6 kilomètres de diamètre.

Mais si on ne peut pas voir le trou noir lui-même, il est possible d'observer ce qu'on appelle l'horizon de ses événements : une surface lumineuse qui entoure le trou noir, où les rayons sont piégés, ni «tombés» sur l'astre ni capables de s'échapper de son champ gravitationnel.

«Un disque de gaz incandescent»

Le projet du «télescope de l'horizon des événements» («event horizon telescope» en anglais, soit EHT) est une collaboration internationale qui tente depuis 2006 de prendre une photo de cette surface, en combinant les observations de huit observatoires et radiotélescopes à travers le monde pour créer comme «un gigantesque télescope de la taille de la Terre», et avec l'aide d'ordinateurs assez costauds pour créer une image à partir de leurs mesures. L'une de ses cibles est le trou noir supermassif qui est au cœur de la grande galaxie M87, et l'équipe de plus de 200 chercheurs a annoncé ce mercredi être parvenue à ses fins.

L'anneau de lumière visible sur la photo est la lumière courbée et piégée par l'intense champ gravitationnel qui entoure le trou noir. Quant à la zone noire au milieu, c'est l'ombre du trou noir. L'astrophysicien allemand Heino Falcke explique : «Comme il est immergé dans une région lumineuse, comme un disque de gaz incandescent, nous attendons d'un trou noir qu'il crée une région sombre, similaire à une ombre. Cette ombre, causée par la courbure gravitationnelle et la capture de la lumière par l'horizon des événements, nous a permis de mesurer l'énorme masse du trou noir de M87.» L'équipe de l'EHT peut donc affirmer que ce trou noir, situé à 55 millions d'années-lumière d'ici, est «6,5 milliards de fois plus massif que le Soleil».

«Nous avons réussi quelque chose qu'on pensait impossible il y a encore une génération», se félicite Sheperd S. Doeleman, directeur du projet. Une autre cible en cours d'observation est le trou noir Sagittarius A*, situé au centre de notre propre galaxie, la Voie lactée. On a hâte de découvrir son portrait.