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Libération
Interview

Jean-François Clervoy : «Ces premiers pas sur la Lune, c’était flou, c’était en noir et blanc, mais j’étais émerveillé»

La Lune, 50 ans aprèsdossier
Pour le spationaute français Jean-François Clervoy, aujourd'hui à la retraite, la conquête spatiale qui a bercé son enfance est sans aucun doute à l’origine de sa vocation.
Jean-François Clervoy arrive sur la station Mir, en mai 1997. (HO/Photo HO. Nasa. AFP)
publié le 20 juillet 2019 à 11h43

Jean-François Clervoy avait 10 ans, presque 11, quand un homme a marché pour la première fois sur la Lune. Cinquante ans, une carrière de spationaute et trois voyages dans l'espace plus tard (entre 1994 et 1999), il raconte les souvenirs de cette nuit exceptionnelle et l'impact sur sa vocation.

Que faisiez-vous pendant que Neil Armstrong marchait sur la Lune pour la première fois ?

Nos parents nous ont réunis, mon frère jumeau, ma sœur et moi. Il devait être 3 ou 4 heures du matin, on s'est assis sur le tapis du salon, devant le poste de télévision. C'était flou, c'était en noir et blanc, mais j'étais émerveillé. A des centaines de milliers de kilomètres de nous, un être humain marchait sur la Lune pour la première fois. Comment ne pas être émerveillé par cette image ? C'était incroyable. Ça n'était pas la victoire des Américains contre les Russes qui m'impressionnait. Je me souviens simplement m'être dit «nous les humains, on a été capables de faire ça».

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

J'ai une vision très nette du président des Etats-Unis qui s'exprimait dans un petit coin de l'écran. Une personne sur Terre pouvait donc communiquer quasiment en temps réel avec quelqu'un sur la Lune ! Une autre image m'a fasciné : quand les astronautes ont commencé à marcher, leurs pas étaient comme des bonds, au ralenti. Je n'avais pas anticipé cet aspect de la gravité.

Seriez-vous devenu astronaute si la conquête spatiale n’avait pas eu lieu pendant votre enfance ?

J'ai grandi à une époque où on parlait partout et tout le temps de la conquête spatiale. Mon père était pilote de chasse : à la maison, notre principal sujet de conversation concernait le ciel. A l'école, les professeurs nous promettaient qu'une fois adultes, on pourrait partir en vacances ou en week-end dans l'espace, et j'y croyais ! Des tas d'objets de consommation courante s'étaient même emparés du sujet. Dans certains yaourts, on trouvait des vignettes sur la conquête spatiale. Je les collectionnais et les collais avec soin dans un cahier dédié, que j'ai toujours chez moi… Et puis j'adorais Star Trek ! Bien sûr que ce contexte est à l'origine de ma vocation. Mais ce qui m'intéressait, ça n'était pas de devenir astronaute, mais d'aller dans l'espace.

Des astronautes seront bientôt à nouveau envoyés sur la Lune. Regrettez-vous de ne pas avoir eu l’occasion de faire partie d’une telle mission ?

Je suis très cartésien : j'ai eu la chance d'aller trois fois dans l'espace mais à une époque où on n'était pas près de retourner sur la Lune. Ne pas y aller à ce moment-là ne m'a pas manqué. C'est vrai que j'aurais bien aimé connaître l'émotion et les sensations vécues par ceux qui y sont allés. Mais j'ai fait d'autres choses ! Aujourd'hui il y a un regain d'intérêt très fort pour la Lune. Mais pour moi, comme pour tous les astronautes de ma génération, le prochain bond de géant sera sur Mars. Ce moment-là sera grandiose.

Et aujourd’hui, quelle relation entretenez-vous avec la Lune ?

Depuis cette nuit du premier pas, je n'ai jamais plus regardé la Lune comme avant. A chaque fois que je la vois, je ne peux pas m'empêcher de penser que des êtres humains y ont été. Elle faisait partie de l'humanité au sens culturel, elle en fait depuis partie au sens physique.

Retrouvez Jean-François Clervoy dans le numéro spécial du P'tit Libé consacré aux premiers pas de l'homme sur la Lune.