Mélancolique et rêveuse, la Lune nourrit l'inspiration des artistes depuis des siècles. Elle éclaire les nuits bleues des amants de Chagall, s'invite dans les toiles surréalistes de Dalí, s'incarne dans une sculpture de Rodin… Et depuis la conquête lunaire, il y a pile cinquante ans, elle fait office de musée pour quelques – rares – productions artistiques.
Une œuvre clandestine
La première œuvre d'art posée sur le sol lunaire est une petite pièce de céramique de la taille d'un pouce comportant les dessins d'une poignée d'artistes de l'époque. Parmi eux, John Chamberlain, Robert Rauschenberg ou encore Andy Warhol, qui choisit d'y représenter un sexe masculin – que certains ont aussi interprété comme étant une fusée –, formé par la réunion de ses initiales. Baptisé The Moon Museum, ce projet de musée miniature né de l'imagination du sculpteur américain Forrest Myers est entouré de mystère. Faute d'obtenir l'aval de la Nasa, il aurait été secrètement déposé dans un pied du module d'atterrissage de la mission Apollo 12, en 1969, avec l'aide d'un ingénieur non identifié, du nom de John F. Lorsque les astronautes sont revenus sur Terre, il serait resté sur la Lune. Mais comme l'indique Wired, il est impossible de confirmer avec certitude sa présence sur notre satellite naturel. Il en existe plusieurs répliques régulièrement exposées dans des musées, terrestres bien sûr.
The Moon Museum, 1969. (Photo Moma)
Un hommage aux astronautes
L'envoi de la seconde œuvre est plus réglementaire. Le 2 août 1971, le commandant David Scott de la mission Apollo 15 dépose une statuette de 8,5 cm de long réalisée par l'artiste belge Paul Van Hoeydonck sur la surface d'un cratère non loin de son rover lunaire. Composé d'aluminium, le Fallen astronaut (littéralement «l'astronaute tombé») est capable de résister aux températures extrêmes régnant à la surface de la Lune (entre -175°C et 125°C). Il repose devant une plaque commémorative de la Nasa où sont inscrits les noms de quatorze astronautes et cosmonautes qui ont donné leur vie pour la conquête spatiale. Quatre exemplaires de cette statue ont fait le voyage sur la Lune, dont trois sont revenus sur la planète bleue.
Fallen Astronaut, déposée sur le sol lunaire en 1971. (Photo Nasa. Wikimedia Commons)
Un condensé d’humanité
La seconde phase de la conquête lunaire, amorcée notamment par l'alunissage de la sonde chinoise Chang'e-4 début janvier sur la face cachée de notre satellite naturel, nourrit de nouveaux projets lunaires. Un collectif de l'Université de Carnegie-Mellon (Pennsylvanie, Etats-Unis) ambitionne depuis 2008 d'envoyer sa propre création sur la Lune. Conçu par des centaines de collaborateurs du monde entier, MoonArk pioche dans le patrimoine artistique (design, musique, arts visuels, mais aussi échanges de SMS) et scientifique, comme un condensé de notre civilisation – et un ultime témoignage de notre espèce si celle-ci venait à disparaître.
Haute de quelques centimètres, cette œuvre complexe est composée de quatre structures pentagonales représentant la Terre, la Métasphère, la Lune et l'Ether, qui retracent le récit de l'humanité sortant de son cocon terrestre pour explorer l'univers. Elle devrait s'envoler en juin 2021 avec la mission 1 d'Astrobotic (une entreprise américaine privée), et existe en deux exemplaires, dont l'un restera sur Terre.
MoonArk. (Photo Dylan Vitone. Carnegie Mellon University. Astrobotic)
Ailleurs dans l’espace, l’art en apesanteur
La Lune n'est pas le seul réceptacle de l'art contemporain dans l'univers. Depuis les premières heures de l'exploration spatiale, plusieurs productions artistiques, conçues ou envoyées dans l'espace, ont vu le jour. En 1965, le cosmonaute soviétique Alexeï Leonov marque simultanément l'histoire de la conquête spatiale et de l'art : non seulement il effectue la première sortie de l'être humain dans l'espace, mais il y réalise aussi, muni de crayons de couleur, la première œuvre d'art «extraterrestre». Il s'agit d'un petit dessin représentant un lever de soleil sur la Terre vu de l'espace.
Depuis, l'histoire de l'art spatial a été marquée, entre autres, par la première œuvre expédiée sur Mars, signée par le Britannique Damien Hirst en 2003. Et plus récemment, par le Téléscope intérieur (composé d'un cylindre en papier imbriqué dans un grand M) de Thomas Pesquet réalisé en février 2017 à bord de la Station spatiale internationale (ISS) – où figurait déjà, depuis 2015, une mosaïque de Space invader. En 2018, Elon Musk a apporté sa propre pierre à l'édifice. Dans la Tesla rutilante envoyée dans l'espace a été glissé un disque de l'Arch Mission Foundation, où est gravée la trilogie Cycle de Fondation d'Isaac Asimov. Il y a fort à parier que dans la course à la conquête spatiale qui se profile, le musée de l'espace verra ses acquisitions se multiplier.
MoonArk. (Photo Dylan Vitone. Carnegie Mellon University. Astrobotic)