Apophis, le dieu du Chaos. C’est sous le nom de la menaçante divinité égyptienne qu’un astéroïde de 360 mètres de diamètre se rapproche de la Terre à grande vitesse. A priori, selon la Nasa, pas de danger de collision, même si le corps céleste passera en principe à seulement 30 000 km de notre planète, la Lune se trouvant elle, en moyenne, à 384 400 km.
Des météorites tombent chaque jour sur la Terre. Mais l'astéroïde qui nous préoccupe n'a pas été nommé au hasard. En effet, Apophis est l'un des plus gros à passer si près de la Terre. A titre de comparaison, un astéroïde de 570 mètres de diamètre est passé «au plus près» de la Terre en 2019, à 7,5 millions de kilomètres. Près de 20 fois la distance Terre-Lune, soit tout de même bien peu à l'échelle du système solaire… «C'est vraiment une distance historique, surtout pour un objet de cette taille», relève François Colas, astronome au CNRS et à l'observatoire de Paris, contacté par Libération.
Pas de collision prévue
Selon les prévisions de la NASA, Apophis, qui file actuellement à 40 230 km/h, devrait frôler la Terre en 2029. Si l’agence spatiale américaine estime qu’une collision avec la planète bleue est pour le moment improbable, une simple déviation de la trajectoire prévue pourrait changer la donne. Découvert en 2004, Apophis avait été classé au niveau 4 sur 10 sur l’échelle de Turin (soit une probabilité de collision de plus de 1%, avec une capacité de dévastation régionale), avant d’être rétrogradé à 0 en 2008. La probabilité d’un impact en 2029 serait aujourd’hui de l’ordre de moins d’1 pour 100 000 selon la NASA. Pas de quoi s’effrayer donc.
Pour les chercheurs, le passage d'un astéroïde de cette taille si près de la Terre représente en tout cas un intérêt notable. Jusqu'à présent, seuls des astéroïdes d'une taille variant entre 5 et 10 mètres avaient été observés frôlant de si près la Terre, soit un gabarit bien inférieur à celui d'Apophis. «Apophis représente à lui tout seul 2000 "objets potentiellement dangereux"», des éléments qui peuvent représenter une menace de collision, relève Paul Chodas, directeur du centre de recherche des astéroïdes de la NASA. «En observant Apophis pendant son survol en 2029, on obtiendra des connaissances scientifiques importantes qui pourraient être un jour utilisé pour défendre la Terre» contre de futures colisions. Des projets pour Apophis ont déjà été évoqués, mais il est encore trop tôt pour qu'ils voient le jour. Le développement d'une sonde équipée d'une webcam, qui s'amarrerait à l'astéroïde et qui pourrait étudier également sa composition, a été évoqué.
Un retour en 2036
Les spécialistes n'excluent cependant pas de revoir l'astéroïde en 2036. En effet, le caillou connaît bien la planète bleue puisqu'il est déjà passé à côté en 2013. Au fur et à mesure de ses passages, Apophis pourrait selon les spécialistes finir par adopter une trajectoire en direction de notre planète. Si, lors de son passage près de la Terre en 2029, Apophis venait à pénétrer dans une zone précise d'une centaine de mètres, appelée «trou de serrure», son orbite changera et finira par pointer vers la Terre. «L'impact sera alors certain. Mais cette éventualité n'est pas de l'ordre du court-terme», avertit l'astronome François Colas, qui exclut tout impact «dans les 100 ans à venir».
Si Apophis vient à prendre la direction de notre planète, des solutions sont possibles : «dévier un astéroïde requiert en réalité très peu d'énergie et ne nécessite pas une opération de grande envergure. En revanche, il faut le prévoir longtemps à l'avance, c'est à dire avant que l'orbite de l'astéroïde ne pointe réellement en direction de la Terre», explique François Colas. Pas de danger à court et à moyen terme donc, puisque les observatoires peuvent aujourd'hui prédire les futures orbites des astéroïdes pour des dizaines d'années à venir.