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Libération
Chronique «Envoyé spatial»

Le premier Emirati de l’espace et autres nouvelles du ciel

Cette semaine, une relève historique sur la station spatiale, un éboulement sur la comète Tchouri, des mini trous noirs derrière Neptune, un brillant prototype de fusée pour aller sur Mars, et les ambitions lunaires de la Nasa freinées par son budget.
L'astronaute Hazzaa Ali Almansouri, premier Emirati à voler dans l'espace, à son décollage en fusée Soyouz, mercredi. (Photo Bill Ingalls. Nasa)
publié le 28 septembre 2019 à 14h00

Mercato spatial

«Combien y a-t-il de personnes dans l'espace en ce moment ?» Il existe un site web conçu pour répondre à cette question, et le chiffre qu'il affiche en ce moment est inhabituel : on compte pas moins de 9 êtres humains flottant en apesanteur. La station spatiale internationale est au grand complet (elle n'avait pas vu autant de monde depuis 2015) depuis que trois nouveaux astronautes, arrivés en Soyouz, s'y sont amarrés ce mercredi.

Les six astronautes de l’ISS en ont accueilli trois nouveaux (ici au premier plan), le 25 septembre. (Photo Nasa)

Parmi les petits nouveaux, il y a le vétéran russe Oleg Skripotchka, l'Américaine Jessica Meir, astronaute depuis 2013 qui a enfin l'opportunité de voler dans l'espace, et surtout Hazza Al Mansouri. Agé de 35 ans, ce pilote de chasse est le premier astronaute émirati de l'histoire. Mais cette invitation exceptionnelle de la Nasa aux Emirats Arabes Unis sera de courte durée : Al Mansouri va passer à peine une semaine dans l'espace, et redescendra sur Terre dès le 3 octobre avec un Russe et un Américain qui viennent de passer deux cents jours sur l'ISS.

Luca Parmitano, astronaute italien de l’ESA, changeant un câble sur l’ISS le 10 septembre 2019. Photo Nasa

Au moment de ce départ, le flambeau de commandant de la station sera remis à Luca Parmitano, présent à bord de l'ISS depuis soixante-dix jours. L'Italien a été recruté en 2009 par l'Agence spatiale européenne (ESA), dans la même promo que Thomas Pesquet. Parmitano, qui a déjà volé en 2013 (et eu un accident mémorable de scaphandre dans lequel il a failli se noyer), sera le troisième commandant européen de l'histoire de l'ISS. «Etre le commandant des personnes les mieux formées et les plus compétentes sur Terre et au-delà peut être intimidant, dit Parmitano à l'ESA. Je suis responsable de la sécurité de l'équipage et de la Station.» Au programme des astronautes pour les mois à venir, explique la Nasa, il faudra notamment installer de nouvelles batteries sur les panneaux solaires de la station en sortant dans l'espace, et spectromètre magnétique Alpha, une expérience qui étudie la matière noire et les origines de l'univers.

Pierre qui roule

Avez-vous déjà vu… un rocher dévaler les pentes d’une comète, traçant dans la poussière un sillon irrégulier comme une boule de neige en montagne ?

Un rocher de 10 mètres et la trace qu’il a laissé en dévalant la pente sur la surface de la comète Tchouri. Vincent et al, 2019

Maintenant, oui ! Le chercheur Jean-Baptiste Vincent et son équipe ont dévoilé, au congrès des sciences planétaires la semaine dernière à Genève, l'incroyable photo d'un gros caillou ayant roulé sur la surface de la comète Tchouri, à des millions de kilomètres de la Terre. C'est la sonde européenne Rosetta qui l'a immortalisé en 2015 au cours de sa mission. Sur un cliché pris au mois de mai, on voit une grande plaine immaculée dans le «cou» qui relie les deux têtes de la comète. En décembre, nouvelle photo prise avec le même angle : des blocs de pierre sont apparus, dont un gros (tout est relatif) de 10 mètres de diamètre. «On pense qu'il est tombé d'une falaise de 50 mètres, commente Vincent, et que c'est le plus gros fragment de cet éboulement, avec une masse de 230 tonnes.» Classe.

Eboulement sur la comète Tchouri, avec le profil du sillon creusé par le rocher, rebond par rebond. Photo ESA

De mini trous noirs derrière Neptune ?

Les petits astres éloignés du système solaire, derrière l'orbite de Neptune, ont une trajectoire étrange que l'on n'arrive pas bien à expliquer. Quelques astrophysiciens échafaudent des hypothèses, comme celle d'une «Planète 9» très lointaine qu'on n'aurait pas encore découverte. Deux chercheurs – Jakub Scholtz et James Unwin – viennent d'avoir une nouvelle idée : et si ce n'était pas une grosse planète qui joue l'élément perturbateur, mais un essaim de mini trous noirs ? Comme une planète, les trous noirs auraient pu être capturés par l'attraction du soleil en passant dans les parages, explique leur étude prépubliée. Un trou noir de la taille d'une balle de bowling, par exemple, aurait une masse de dix Terres, ce qui correspond à la masse estimée de l'hypothétique Planète 9. Notons que les trous noirs dits primordiaux, ceux dont parlent nos deux chercheurs et qui ne résultent pas de l'effondrement d'une étoile massive mais dateraient des débuts de l'univers, sont tout aussi hypothétiques.

Taille réelle, quand cette illustration est imprimée sur la largeur d’une feuille A4, d’un trou noir de 5 masses terrestres. Scholtz & Unwin, 2019

Elle brille, elle brille, la fusée

Elon Musk veut présenter au public son futur vaisseau interplanétaire, nommé «Starship», ce samedi. Jusqu'à présent, on n'a vu qu'un prototype primitif tester les nouveaux moteurs en faisant un bond en l'air de 150 mètres fin août. Mais le modèle complet de la méga fusée de SpaceX a par ailleurs bien avancé : brillante comme un miroir, elle a deux grandes ailettes et six pieds.

Le prototype de Starship, la future fusée de SpaceX qui jouera la navette entre les planètes, en septembre 2019 au Texas. (Photos SpaceX)

Starship n'est pas composée de plusieurs étages qui se séparent lors du décollage, comme les fusées actuelles. Elle est d'un seul bloc et devra pouvoir atterrir et redécoller à volonté, à la verticale et par ses propres moyens, pour transporter des astronautes de la Terre à la Lune, de la Lune à Mars, puis de Mars à la Lune par exemple… Elon Musk espère faire décoller Starship d'ici un mois pour son premier test.

L’enquête continue sur la Lune…

Trois semaines après son alunissage, l'atterrisseur indien Vikram n'a toujours pas donné de ses nouvelles : il est quasiment certain que les dernières secondes de sa descente vers la surface lunaire se sont mal passées, et qu'il s'est crashé. Pendant que l'agence spatiale indienne (l'Isro) continue d'étudier les dernières données envoyées par le vaisseau pour comprendre ce qui a pu se passer, la Nasa lui donne un coup de main en mettant à disposition sa sonde LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter), en orbite autour de la Lune.

Photos du site d’alunissage prévu de Vikram par la sonde LRO le 17 septembre, à 600 kilomètres du pôle sud de la Lune. (Photo NASA/Goddard/Arizona State University)

LRO a photographié le site d'alunissage de Vikram, près du pôle sud, le 17 septembre. Mais les scientifiques qui ont étudié l'image (publiée ici) n'ont pas réussi à repérer une tache qui pourrait marquer le lieu du crash. «Les longues ombres de la région peuvent masquer l'atterrisseur, rapporte un journaliste américain. Le crépuscule s'installe dans cette région qui s'apprête à passer du jour lunaire, long de deux semaines terrestres, à la nuit lunaire, aussi longue.» Rendez-vous dans plus de deux semaines pour une nouvelle tentative photographique.

Au mois de mai, de la même façon, la Nasa avait repéré le site lunaire où s'était crashé la sonde israélienne Beresheet.

… et le retour de l’Homme s’éloigne

Verra-t-on des astronautes américains poser le pied sur la Lune en 2024, comme l'a ordonné le gouvernement américain au mois de mars ? «Je ne parierais pas le cadeau d'anniversaire de mon fils», a lâché Ken Bowersox, nouveau responsable des missions habitées à la Nasa. Tout en y «travaillant aussi dur que possible», l'agence spatiale réclame une rallonge budgétaire de 1,6 milliard de dollars, sans laquelle il sera «vraiment beaucoup plus dur» de tenir les délais.

La fusée Space Launch System (SLS) de la Nasa transportera quatre astronautes vers la Lune. Photo Nasa

Le Sénat a commencé à répondre à cette requête, en proposant jeudi d'accorder 22,75 milliards de dollars de budget à la Nasa pour l'année fiscale 2020 (qui commence mardi). C'est un peu plus que l'an dernier (21,5 milliards), et ça comprendrait 744 millions de dollars pour le programme lunaire et 2,85 milliards pour la grosse fusée SLS qui y emmenera les astronautes, et qui est toujours en développement (alors que son premier vol était initialement prévu pour 2018). C'est un premier pas. Le comité du Sénat aimerait désormais que la Nasa fournisse une estimation détaillée de ce que coûterait sur cinq ans le programme Artemis en version accélérée.

A lireRetour sur la Lune, et Mars à l'ombre : le nouveau programme lunaire de la Nasa

Et aussi…

. Une étude explique enfin le refroidissement climatique survenu il y a 450 millions d’années, provoquant un boom de la biodiversité : la poussière d’un astéroïde désintégré aurait envahi l’atmosphère.