Depuis le temps qu'on la connaît, on prenait Hygie pour un gros astéroïde. Elle est apparue sous la forme d'un point brillant qui traversait le ciel jour après jour, dans le télescope du jeune astronome italien Annibale de Gasparis, qui l'a officiellement découverte en 1849. Puis au fil du temps et à force d'observations, on en a appris plus sur ce petit astre : il appartient à la ceinture principale d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, tourne autour du Soleil en cinq ans et demi… Mais ce n'était toujours qu'un petit point.
Hygie photographié par le projet américain Two Micron All Sky Survey.
Photo 2MASS
Les premières images de Hygie (nommée d'après la déesse grecque de la santé) sont arrivées récemment – il faut des télescopes puissants pour photographier un caillou de l'espace. Grâce aux photos, on a enfin pu entrapercevoir sa forme, qui semblait un peu ovale, et estimer sa taille, autour de 400 kilomètres. Cela fait d'Hygie le quatrième plus gros astéroïde du système solaire, derrière Cérès, Vesta et Pallas.
Les quatre plus gros astéroïdes du système solaire : Cérès, Vesta, Pallas et Hygie (selon la meilleure image d’elle qu’on pouvait produire avant ce mois d’octobre 2019).
Photos Nasa et ESO
Mais voilà qu'en jetant un œil plus attentif à Hygie, on vient de s'apercevoir qu'elle n'est pas ovale du tout. Sur les nouvelles photos sont prises par le Very Large Telescope au Chili, de très bonne résolution, Hygie se révèle finalement bien sphérique… Ce qui change tout sur sa carte d'identité : elle peut désormais prétendre au titre de planète naine. Elle remplit tous les critères indispensables :
Hygie photographié par le Very Large Telescope en 2019. L’image révèle sa forme sphérique.
Photo ESO. P Vernazza et al. Mistral algorithm
On ne recense que cinq planètes naines aujourd'hui. Il y a Cérès, qui est pour l'instant la seule de la ceinture d'astéroïdes, et plus loin dans le système solaire, derrière l'orbite de Neptune, la célèbre Pluton, Hauméa, Makémaké et Eris. C'est l'Union astronomique internationale (UAI) qui doit maintenant se pencher sur le cas de Hygie, grâce aux nouvelles mesures, pour valider (ou non) son statut de planète naine.
La cicatrice manquante
Outre ces questions administratives, l'équipe de chercheurs qui publie cette nouvelle étude sur Hygie dans Nature Astronomy cette semaine se dit très surprise. Car Hygie est le principal membre des astéroïdes de la «famille de Hygie», composée de 7 000 petits corps à la composition très semblable dont on pense qu'ils proviennent d'un seul et même astre parent. La collision géante qui a fait exploser ce parent en mille morceaux devrait avoir laissé des cicatrices… «Les astronomes s'attendaient à ce que l'événement ayant conduit à la formation de cette famille nombreuse ait laissé une marque visible, profonde et étendue, à la surface de Hygie», résume l'Eso.
Or les nouvelles photos ne montrent aucune cicatrice de ce type. On ne voit que deux gros cratères à la surface de Hygie, et aucun ne correspond à ce que l'on attend. «Aucun de ces deux cratères n'a pu résulter de l'impact ayant donné naissance à la famille d'astéroïdes de Hygiea, dont le volume avoisine celui d'un objet de 100 km de diamètre. Ils sont bien trop petits», selon Miroslav Broz, coauteur tchèque de l'étude. Il faut donc pousser l'enquête et refaire des simulations numériques pour comprendre comment est née la famille de Hygie.
Nouvelle simulation de l'impact ayant donné naissance à Hygie. Vidéo Eso