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Un simulateur d’amarrage à l’ISS avant le premier vol habité de SpaceX

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Deux astronautes vont rejoindre la station spatiale dans un vaisseau américain mercredi prochain, pour la première fois depuis 2011. En attendant, SpaceX a mis en ligne un simulateur pour s’entraîner à piloter la capsule Crew Dragon.
Simulateur d'amarrage à l'ISS par SpaceX (https://iss-sim.spacex.com/). (Capture d'écran. SpaceX)
publié le 22 mai 2020 à 16h37

«25 mètres.» […] «11 mètres.» […] «2 mètres.» […] «50 centimètres… Contact.»

On ne peut s’empêcher de commenter les derniers instants à voix haute. Avec une intonation un peu suspensive pour entretenir la tension, mais aussi affirmée et solennelle en même temps, comme si on annonçait les chiffres à des milliers d’internautes scotchés sur YouTube aux quatre coins du monde, nous regardant en live nous amarrer à la station spatiale internationale. On connaît leur excitation ; on a déjà occupé plus d’une fois la place du spectateur ! Mais elle n’est rien comparée à la fierté de piloter la manœuvre soi-même, manettes en main.

Au moment d'égrener les derniers mètres, la partie est déjà gagnée. On n'a plus qu'à gérer des corrections de trajectoire minimes – un poil à gauche, un poil plus haut, un poil à droite… – pour garder l'écoutille de l'ISS au centre de la visée. Le plus gros du travail a été fait. On faisait moins la maline il y a quelques minutes, larguée à 200 mètres de l'ISS dans un vaisseau mal engagé, complètement décentré. Il a fallu commencer par le remettre dans l'axe en jouant avec les boutons pour corriger le roll (le roulis), le pitch (le tangage) et le yaw (le lacet). Puis on se permet d'avancer (forward) à vitesse réduite vers l'écoutille en ne corrigeant qu'à petites touches les mouvements de translation, latéraux et verticaux. Pfiou !

Ce simulateur d'amarrage à l'ISS, bien ficelé, a été conçu par SpaceX en prévision du premier vol de son vaisseau pour astronautes, dont il reproduit fidèlement les contrôles à disposition des astronautes. L'entreprise privée américaine fournit déjà des cargos de ravitaillement à la station spatiale depuis 2013, avec son vaisseau Dragon. Dernièrement, la capsule s'amarrait à l'ISS trois fois par an pour y apporter des stocks de nourriture, de vêtements, des expériences scientifiques et du matériel pour la station.

Une navette américaine

Mais la vitesse supérieure est sur le point d'être enclenchée puisque le nouveau vaisseau Dragon 2 devra, dès la semaine prochaine, non seulement transporter du fret mais aussi un équipage humain. SpaceX et Boeing sont en effet les deux constructeurs sélectionnés par la Nasa en 2014 pour développer une navette américaine capable d'acheminer les astronautes entre l'ISS et la Terre. Depuis l'arrêt de la navette spatiale américaine en 2011, cette compétence n'était plus maîtrisée que par les Russes : leurs capsules Soyouz sont les seules à avoir transporté des personnes sur l'ISS durant neuf ans. Cette époque est en passe d'être révolue.

Le vaisseau Dragon 2 de SpaceX, également nommé Crew Dragon pour son usage de navette habitée, a effectué plusieurs vols de tests en 2019. Vide de tout occupant, il s'est notamment amarré de manière autonome à l'ISS en mars, où il a été visité par les astronautes qui occupaient la station.

Humains

Désormais, il est l’heure d’installer des humains sur ses sièges futuristes. Le deuxième «vol de qualification» du Crew Dragon est donc programmé pour mercredi prochain, le 27 mai. Les Américains Robert Behnken et Douglas Hurley auront l’honneur de piloter le vaisseau. Si tout se passe bien, Crew Dragon sera considéré comme «qualifié» et pourra commencer rapidement ses vols opérationnels pour assurer les relèves d’équipages sur l’ISS… Dès le mois d’août, il devra emmener quatre astronautes (sa capacité maximale) en orbite basse – trois Américains et un Japonais. astronautes européens emprunteront eux aussi les navettes américaines, tandis que les Russes continueront d’envoyer leurs cosmonautes en l’air dans les capsules Soyouz.

Retard

Quant à la capsule Starliner de Boeing, elle a pris beaucoup de retard. Son premier vol d’essai fut un demi-échec en décembre, se soldant par un retour sur Terre prématuré au lieu d’un amarrage à l’ISS. Son premier vol habité attendra encore un an. Le coût de son développement a par ailleurs été épinglé : un rapport du Bureau de l’inspecteur général (OIG) de la Nasa reproche à l’agence spatiale d’avoir «surpayé» le projet Starliner de Boeing. Un voyage en Starliner coûtera 90 millions de dollars par astronaute, là où une place en Crew Dragon ne coûte que 55 millions de dollars (et un siège de Soyouz, pour comparaison, est facturé à la Nasa 81 millions de dollars, entraînement compris).