Figée dans les cendres par l’éruption du Vésuve en l’an 79, la cité de Pompéi se révèle encore un peu plus en ce début d’année 2025. Certainement avec l’une de ses parties les plus prestigieuses, garnies d’œuvres d’art et autres somptuosités : plusieurs pièces dédiées aux bains, dans une résidence privée, probablement les plus grands jamais découverts dans les environs. Alors qu’un tiers de la ville antique dort toujours sous les débris volcaniques, la BBC dévoile les nouvelles trouvailles d’un vaste chantier archéologique débuté il y a deux ans. «C’est la découverte du siècle», se réjouit l’archéologue Sophie Hay.
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Ces fouilles, les plus importantes depuis une génération, ont déjà mis au jour un pâté de maisons entier. A l’image du reste de la ville, la cendre l’a certes piégé, mais aussi préservé des ravages du temps, comme si ses habitants venaient tout juste de quitter les lieux. Les archéologues avaient déjà repéré une boulangerie, une blanchisserie et, dressée à leurs côtés, une immense résidence privée. Il semblerait que cet ensemble ait appartenu à une seule et même personne. Peut-être le riche notable Aulus Rustius Verus, homme politique influent de Pompéi. La découverte de ces bains privés en son cœur ne fait que le confirmer : «Il n’y a que quelques maisons qui disposent d’un tel complexe, c’était réservé aux plus riches d’entre les riches», explique Gabriel Zuchtriegel, directeur du parc archéologique de Pompéi.
Une sorte de spa, en somme, dans lequel certainement seul le gratin de Pompéi – suffisamment riche et influent pour y être invité – pouvait y pénétrer. Pour profiter des lieux, les visiteurs devaient d’abord passer par le vestiaire. Ils foulaient le sol, en marbre romain, recouvert de mosaïques aux motifs géométriques et encore intacte. Peut-être s’asseyaient-ils sur ces bancs de pierre ou y posaient-ils leurs affaires, installés contre des murs d’un rouge vibrant – teinte qui semble, des siècles plus tard, avoir conservé toute sa vigueur.
Une piscine pouvant accueillir 10 à 20 personnes
Puis leur visite débutait par la salle chaude. Y régnait une chaleur digne d’un sauna, maintenue grâce à des murs dotés d’une cavité et d’un plancher suspendu laissant l’air chaud circuler sous le sol. Direction, ensuite, une pièce plus humide. Place à un peu plus de détente, à l’application d’huile sur leur peau, ensuite grattée avec un strigil – racloir incurvé utilisé par les Romains pour se nettoyer après un bain de vapeur. Une fois propres, voilà les visiteurs dans le frigidarium ou «salle froide». La plus grande, la plus spectaculaire de la structure : de larges fresques représentant des athlètes habillent ses murs, également dotés d’imposantes colonnes. Au centre, un bassin d’un mètre de profondeur si large que les visiteurs pouvaient s’y baigner à dix, voire à vingt, énième indice illustrant la fonction sociale de cette vaste pièce où ces riches Pompéiens pouvaient se prélasser et bavarder. Durant les étés où la chaleur enveloppait cette ville du sud, cette piscine incitait sans doute à «s’asseoir, les pieds dans l’eau, discuter avec ses amis, peut-être avec un verre de vin», illustre Gabriel Zuchtriegel auprès de la BBC.
Derrière la salle chaude se trouvait la chaufferie. Cette pièce et ses installations très bien conservées sont un autre témoignage de l’ingénierie romaine : des vannes permettaient de réguler le débit d’eau, qu’un tuyau servait à ramener depuis la rue. Une partie était siphonnée dans la piscine froide ; le reste dirigé vers une chaudière en plomb, destiné à la salle d’eau chaude. Mais que la modernité de ce système ne trompe pas. Le travail des esclaves censés le faire fonctionner devait être très peu supportable dans cette atmosphère suffocante. Il s’agit là d’un autre enseignement (ou rappel) de la vie à Pompéi : cette bâtisse, toute somptueuse qu’elle était pour ses propriétaires et invités, n’efface pas des conditions de travail et de vie éprouvantes à l’autre extrême de la société romaine. Deux mondes et mode de vie bien différents, en somme, séparés par un simple mur.
Cette vaste et riche structure est la dernière trouvaille dans cette résidence privée, mais pas la seule. L’année dernière, l’équipe d’archéologues en avait découvert une autre partie. Notamment une immense salle de banquet et ses murs noirs, ornés d’œuvres d’art. Ainsi qu’une salle plus petite, vraisemblablement plus privée. Les habitants venaient certainement prier entre ses murs bleu pâle.
Deux Pompéiens retrouvés
C’est dans une pièce attenante, très exiguë et à peine décorée que les squelettes de deux Pompéiens ont été trouvés : une femme âgée entre 35 et 50 ans et un jeune homme, d’une dizaine ou vingtaine d’années. Lui se trouvait dans un coin et tenait des clés. Elle était allongée sur un lit, recroquevillée, avec dans les mains des pièces d’or et d’argent encore brillantes, ainsi que des bijoux – boucles d’oreilles faites d’or et de perles, pendentifs et pierres semi-précieuses. Cette femme était peut-être l’épouse du propriétaire des lieux, ou bien sa servante – «nous ne le savons pas», admet auprès de la BBC Sophie Hay, archéologue de l’équipe. Sur une table en marbre étaient posées de la verrerie, des cruches en bronze et des pots. Peut-être apportés par les deux victimes ainsi barricadées, qui espéraient pouvoir attendre la fin de l’éruption entre ces murs ? Mais ils n’ont pas pu échapper au mélange mortel de cendres et de gaz qui a déferlé sur la ville et sellé leur sort, comme les milliers d’habitants de la ville qui, habitués des tremblements de terre, ne s’étaient pour beaucoup pas enfuis.
Largement interrogés par la BBC, les archéologues du site ne manquent pas d’enthousiasme en décrivant leurs découvertes. En se projetant sur leur apport dans la compréhension de la société de l’époque, figée dans la cendre. «C’est un moment magique pour la vie de Pompéi, se réjouit Anna Onesti, directrice du chantier. Ces fouilles nous permettent de le partager avec le public.»