Tout ce temps, la réponse était : par l’anus. Vingt-cinq ans après les premiers examens et après des années à être observée et scannée sous toutes les coutures, la momie d’un homme autrichien connu sous le nom de «air-dried chaplain» – «le prêtre séché à l’air libre» – a livré ses secrets. Et notamment celui qui agitait tout le monde : mais comment diable son corps avait-il pu être embaumé et rempli de divers matériaux, copeaux de bois, brindilles, étoffes, chlorure de zinc, alors qu’il n’avait pas été ouvert ?
«La seule façon d’insérer le matériel»
En l’absence d’autres voies d’entrées possibles, les scientifiques ont dû se rendre à l’évidence, ces matériaux qui ont permis d’absorber les fluides corporels de l’homme ont été introduits par son rectum. Publiées ce vendredi 2 mai dans le journal Frontiers in Medecine, les conclusions de cette étude pluridisciplinaire menée entre l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne sont sans appel : «Bien que cette hypothèse soit spéculative», il s’agit là «de la seule façon d’insérer le matériel».
Archéologie
L’enquête a également permis d’être un peu plus sûr de l’identité de ce corps tout sec et particulièrement bien conservé : il s’agirait bien de Franz Xaver Sidler von Rosenegg, le vicaire de la paroisse de Sankt Thomas am Blasenstein, dans la crypte de laquelle il a été découvert. La cause de sa mort à 37 ans en 1746 serait une hémorragie aux poumons causée par la tuberculose.
Cette hypothèse colle en tout cas en tous points avec l’étude du corps, celui d’un jeune homme aisé aux belles dents abîmées seulement par la marque de sa pipe, bien nourri et qui ne semble pas avoir beaucoup travaillé durant sa vie. Et puisque rien de l’intimité de ce pauvre homme n’aura été épargné, même son hallux valgus a fait partie des indices déterminants : «Porter des chaussures pointues et fumer la pipe étaient très typiques pour un prêtre de cette époque», a déclaré au Guardian le premier auteur de l’étude, le Dr Andreas Nerlich, de l’université Louis-et-Maximilien de Munich.
«Incision de la paroi intestinale»
Les chercheurs ont noté que l’anus de la momie était «un peu élargi», mais pas «excessivement» non plus. Les premières spéculations avaient d’ailleurs plutôt imaginé que cette dilatation était due à la mise en place d’une sorte de bouchon du canal anal après la mort pour éviter des fuites. «Si [notre] hypothèse est correcte, concluent les auteurs, l’accès par le canal anal aurait nécessité une incision de la paroi intestinale du rectum supérieur ou du côlon sigmoïde [la dernière portion du colon, ndlr] pour pousser le corps étranger dans la cavité pelvienne et abdominale.»
S’il a fallu autant de temps et de doutes pour en arriver à cette conclusion, c’est que cette méthode spécifique d’embaumement n’était jusque-là pas connue ou documentée. Ce qui ne signifie pas que le «air-dried chaplain» est le seul à avoir été conservé ainsi. Comme le notent les auteurs de l’étude, à l’époque des premiers scans, au début des années 2000, les radiographies n’avaient pas révélé la présence dans le corps des matériaux, il n’est donc pas impossible que d’autres corps embaumés de la sorte aient déjà été manipulés par des scientifiques sans qu’ils ne soient rendu compte de ce qu’ils renfermaient. Après quoi, écrivent-ils, «les futures enquêtes sur des inhumations dans des cryptes devraient désormais prendre en compte cette forme inhabituelle d’embaumement au moment d’aborder leurs analyses des restes humains».