Peut-être faudra-t-il bientôt l’ajouter à la carte de la buvette du palais Bourbon. Une étude scientifique, publiée dans la revue Revista de Arqueología Americana et relayée dimanche 12 octobre par Interesting Engineering, révèle que les Huaris utilisaient une bière psychotrope, c’est-à-dire modifiant le psychisme et le comportement, lors de cérémonies organisées pour «consolider son pouvoir et renforcer la cohésion sociale». Cette civilisation pré-inca, dont l’existence a couru du VIe au XIIe siècles, était établie sur un vaste territoire fragmenté, «où la violence et l’animosité étaient monnaie courante». D’où l’intérêt de recourir à cette boisson pour consolider des liens politiques et sociaux entre des communautés éloignées.
Reportage
Les Huaris, qui vivaient avant l’empire inca sur un territoire situé dans les Andes centrales, là où se trouve l’actuel Pérou, concevaient cette fameuse bière en y associant des graines de vilca, un arbre originaire d’Amérique du Sud contenant une substance psychotrope, la bufoténine, et des baies du schinus molle, aussi appelé faux-poivrier. Une fois brassé, ce savant mélange permettait de bénéficier des effets «psychoactifs» de ces plantes tout en les atténuant. Les cérémonies étaient ainsi plus productives, car plus apaisées, et pouvaient retrouver leurs buts initiaux : boire, manger, prier et, surtout, parler. Le tout sans se taper dessus.
Des effets ressentis pendant plusieurs semaines
Car lorsque ces substances étaient consommées par ingestion, leurs effets psychoactifs se trouvaient amoindris et duraient plus longtemps. Une différence notable pour apaiser les échanges chez les Huaris, qui pouvaient également fumer ou aspirer ces graines par le nez. Les chercheurs ont d’ailleurs découvert des pipes à proximité de ces plantes. Dans ce cas de figure, les effets étaient bien plus puissants. Avec la bière venait donc l’assurance de pouvoir discuter, tout en percevant son interlocuteur comme un ami.
Dans leur étude, les scientifiques précisent que les substances mélangées à la bière «encouragent des émotions positives» et intensifient «la notion de famille, de clan» au sein de la communauté. «Le vilca tel qu’il est généralement consommé est un hallucinogène trop puissant pour que l’on puisse ressentir un sentiment d’unité. La combinaison avec la bière a adouci et prolongé le voyage, créant un trip psychédélique collectif qui aurait pu donner lieu à un type d’intimité unique», explique encore le rapport. Le tout pouvant, grâce au mélange avec la bière, continuer à avoir des effets pendant plusieurs jours. Voire des semaines après les cérémonies. Soit de longues périodes de stabilité politique que certains doivent aujourd’hui envier.