Après deux années de recherche, les équipes de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont dévoilé, ce mardi 17 septembre, les avancées archéologiques menées à Notre-Dame de Paris depuis son incendie. Et pas des moindres : une sépulture, découverte en avril 2022, pourrait être celle du poète Joachim du Bellay, dont on savait qu’il avait été inhumé dans la cathédrale sans toutefois connaître l’emplacement exact.
Le sarcophage en plomb de forme humaine avait été retrouvé à la croisée du transept, aux côtés d’un second, rapidement identifié comme étant celui du chanoine Antoine de La Porte, grâce à son épitaphe. Mais l’identité du premier individu, un homme âgé d’une trentaine d’années, était mystérieuse. Les analyses effectuées à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse ont permis d’en savoir plus sur cet inconnu : la déformation de son os coxal, au niveau du bassin, indique qu’il montait à cheval, son crâne scié et son sternum fracturé montrent qu’il a été autopsié avant d’être embaumé. Surtout, ses ossements portent les traces d’une pathologie extrêmement rare : une tuberculose osseuse cervicale ayant entraîné une méningite chronique.
«Il reste des doutes»
Un «portrait-robot» qui correspond à celui du célèbre poète de la Renaissance et cofondateur du mouvement littéraire de La Pléiade, Joachim du Bellay. «C’était un cavalier émérite, il est allé de Paris à Rome à cheval, ce qui n’est pas rien quand on a une tuberculose comme lui. Il a d’ailleurs failli en mourir», a détaillé Eric Cubrézy, médecin et archéologue. Le célèbre auteur français, né en Anjou, est mort à Paris dans la nuit du 1er au 2 janvier 1560 à l’âge de 37 ans, dans le cloître de Notre-Dame.
Interview
La famille de l’auteur du recueil de sonnets Les Regrets, dont fait partie le célèbre poème Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, avait demandé qu’il y soit inhumé dans la chapelle Saint-Crépin. Mais en 1758, lors de travaux, sa tombe n’y avait pas été retrouvée. «Il reste des doutes», a cependant tempéré Christophe Besnier, un des responsables des fouilles à Notre-Dame, citant notamment «l’analyse des isotopes» qui «montre qu’on est face à une personne qui a vécu en région parisienne ou dans la région Rhône-Alpes jusqu’à ses 10 ans».
Deux autres hypothèses viendraient expliquer la présence du poète sous Notre-Dame : «Une sépulture transitoire devenue permanente ou un transfert de son cercueil lors d’une autre inhumation, en 1569, après la publication de ses œuvres complètes.» Cité dans Le Monde, le président de l’Inrap, Dominique Garcia, s’éloigne de la prudence scientifique souvent de mise : «Que peut-on avoir de plus ? Retrouver sa brosse à dents pour vérifier que l’ADN correspond ? Rien que son âge et sa pathologie offrent une solidité statistique remarquable».