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Archéologie

Vie et mort de Platon : des parchemins enfin déchiffrés livrent des informations inédites sur le philosophe

En utilisant les «techniques de diagnostic par imagerie les plus avancées», des chercheurs italiens ont réussi à comprendre des papyrus ensevelis lors de l’éruption du Vésuve, il y a près de 2000 ans. Leurs premiers résultats ont été dévoilés le 23 avril à Naples.
Le philosophe Platon (428-348 av JC) représenté par José de Ribera (1591-1652). (Bridgeman Images)
publié le 30 avril 2024 à 15h28

Pour le papyrologue Graziano Ranocchia, de l’Université de Pise, c’est «une découverte extraordinaire qui enrichit notre compréhension de l’Histoire ancienne». La semaine dernière, l’équipe de chercheurs italiens qu’il a coordonnée a annoncé avoir enfin réussi à déchiffrer (en partie) des parchemins datant de près de deux millénaires et contenant notamment des informations sur l’existence du philosophe grec Platon.

Issus de la bibliothèque de Lucius Calpurnius Piso Caesoninus, beau-père de Jules César, ces rouleaux de papyrus avaient été ensevelis en l’an 79, dans une villa de la cité d’Herculanum, par les coulées de boue provoquées par l’éruption du Vésuve. Ils avaient été retrouvés à partir de 1752, mais dans un tel état de carbonisation que leur étude était impossible. C’est le progrès technique en matière de recherche historique qui a permis, ces derniers mois, des avancées décisives, dans le cadre du projet «GreekSchools» lancé en 2021 par l’Université de Pise.

Rayons X et intelligence artificielle

Les premiers résultats ont été dévoilés le 23 avril à la Bibliothèque nationale de Naples, où sont conservés plusieurs des papyrus. Avec un succès spectaculaire : les chercheurs ont réussi à déchiffrer près d’un tiers (soit quelque 1 000 mots) d’un texte du philosophe épicurien Philodème de Gadara, consacré à l’Histoire de l’Académie, l’école philosophique fondée par Platon. Pour y parvenir, ils ont utilisé les «techniques de diagnostic par imagerie les plus avancées», qui permettent de lire de «nouvelles parties de textes qui semblaient auparavant inaccessibles», selon Graziano Ranocchia, qui s’est exprimé lors de la présentation des résultats à Naples. Des rayons X semblables à ceux utilisés dans la médecine, donc, mais aussi l’intelligence artificielle, entraînée à détecter et identifier les traces d’encre sur les papyrus.

Les travaux des chercheurs de Pise éclairent d’un jour nouveau la vie de Platon, mal connue par les historiens alors que sa pensée a joué un rôle déterminant dans la construction de la philosophie occidentale. Le document déchiffré livre notamment des informations sur les dernières heures de l’existence du disciple de Socrate, vers 347 ou 348 avant J.-C. Au bord de l’agonie, Platon aurait réclamé qu’une esclave originaire de la région de Thrace, dans la péninsule balkanique, lui joue de la flûte. Mais, selon l’auteur du texte, le philosophe aurait peu goûté à la mélodie servie par la musicienne, et aurait critiqué ouvertement son manque de rythme.

«L’étude n’en est qu’à ses débuts»

Ça c’est pour l’anecdote. Aussi, «parmi les nouvelles les plus importantes, on apprend que Platon a été enterré dans le jardin qui lui était réservé de l’Académie à Athènes, près de ce que l’on appelle le Museion, ou sanctuaire sacré des Muses. Jusqu’à présent, on savait seulement qu’il avait été enterré dans l’Académie», observe dans un communiqué le Conseil national de la recherche, qui a collaboré aux travaux.

Autre découverte : il apparaît que Platon a été vendu comme esclave sur l’île grecque d’Egine entre 404 avant J.-C. et 399 avant J.-C., plutôt qu’en Sicile une quinzaine d’années plus tard, comme le suggéraient les textes disponibles jusqu’à maintenant. Et les chercheurs ne sont sans doute pas au bout de leurs surprises. «L’étude n’en est qu’à ses débuts : nous ne verrons le véritable impact en termes de connaissances que dans les années à venir», prévient Graziano Ranocchia.