C’est la personne la plus âgée à voyager dans l’espace. A 82 ans, Mary Wallace alias Wally Funk, a été choisie pour accompagner Jeff Bezos dans l’espace à bord d’un vol de sa société Blue Origin, ce 20 juillet. A leurs côtés, deux autres voyageurs : le frère du milliardaire Mark Bezos, ainsi que le gagnant d’une mise aux enchères de 28 millions de dollars dont le nom n’a pas encore été révélé.
Un symbole fort qui récompense la persévérance de cette dame aux cheveux argent à qui l’on avait pourtant assuré il y a des années que l’espace n’était pas pour les femmes. Cela avait été également le cas pour sa propre mère qui s’était vue refuser une carrière dans l’aviation, son père et son mari lui ayant alors fait comprendre qu’elle devait être avant tout être une bonne épouse et une bonne mère.
«Mieux et plus vite que les hommes»
Tout au long de sa vie Mary Wallace, qui a grandi à Taos, une petite ville de l’Etat américain du Nouveau-Mexique, a été limitée dans ses ambitions et rabaissée en tant que femme. Sans pour autant renoncer à ses objectifs. Passionnée d’aviation, elle prend sa première leçon de vol à 9 ans avant qu’on ne lui interdise de prendre des cours de mécanique, réservés aux garçons, au lycée. La jeune femme ne se décourage pas et réussit à obtenir sa licence de pilote et à sortir diplômée de l’Université d’Etat de l’Oklahoma, reconnue pour son programme d’aviation.
Mary Wallace ne s’arrête pas là. Au tout début des années 60, elle intègre le programme Mercury voué à envoyer le premier Américain dans l’espace. Des hommes sont alors sélectionnés par la Nasa pour être soumis à des tests mais pas Mary Wallace, ni aucune autre femme. Toutefois, William Randolph Lovelace, médecin et président du comité consultatif spécial de la Nasa sur les sciences de la vie ayant participé à l’élaboration de ces épreuves, décide de faire passer les tests à des femmes dans sa clinique privée pour voir si elles sont elles aussi capables de les réussir. Sur 26 femmes sélectionnées, 13 le prouveront, donnant ainsi son surnom au programme, «Mercury 13». La plus jeune d’entre elles est Wally Funk. «Ils nous poussaient dans nos retranchements», «j’ai enduré beaucoup de douleurs», se rappelle-t-elle dans une interview publiée en 1999 par le service historique de la Nasa. Mais «cela me rapprochait de l’espace, et c’était là où je voulais aller.» Lors de ces tests, de l’eau est injectée dans ses oreilles pour provoquer une sensation de vertige, elle doit ingérer des tubes en caoutchouc, boire de l’eau radioactive, résister à une pression de 5G ou encore se retrouver enfermée dans une cuve à l’isolation phonique parfaite, remplie d’une eau à l’exacte température de son corps afin qu’elle ne sente plus rien, dans le noir. «J’étais sur le dos, flottant dans cette eau, sans pouvoir utiliser mes cinq sens […] je devais juste rester là allongée», raconte-t-elle. Elle bat le record en y restant 10 heures et 35 minutes. Tandis que les hommes ont eux été testés 3 heures. «Ils m’ont dit que j’avais fait le travail mieux et plus vite que n’importe lequel des hommes», s’est-elle souvenue jeudi dans une vidéo publiée en ligne. La mission sera finalement abandonnée par la Nasa.
19 600 heures de vol au compteur
Quatre fois, Mary Wallace a candidaté pour devenir astronaute à la Nasa. En vain. L’excuse étant qu’elle n’avait pas de diplôme d’ingénieur et n’avait pas suivi un programme de vol sur un avion de chasse militaire – chose pourtant impossible pour une femme à cette époque. En 1999, Wally Funk déclarait : «C’était plutôt intéressant, le fait que nous aurions pu le faire, et qu’ils ne nous ont juste pas laissées. Un chien l’a fait. Un singe l’a fait. Un homme l’a fait. Les femmes aussi peuvent le faire.» Il faudra attendre 1983 pour que la première Américaine, Sally Ride, 32 ans vole dans l’espace.
Malgré tout, elle devient la première inspectrice femme de l’agence américaine de l’aviation, la FAA. Puis la première enquêtrice de l’agence américaine National Transportation Safety Board en charge notamment des catastrophes aéronautiques pour laquelle elle traite plus de 450 accidents jusqu’à sa retraite, en 1984. Et enfin, la première instructrice de vol à Fort Sill, dans l’Oklahoma. «J’ai dit que je voulais devenir astronaute. Mais personne ne voulait me prendre. Je ne pensais pas que j’irais là-haut un jour», confie celle qui a appris à voler à 3 000 personnes. Son vœu a fini par être exaucé par le PDG d’Amazon.
«J’aime faire des choses que personne d’autre n’a faites», se vante Wally Funk. Mission accomplie : elle détrônera John Glenn, l’un des sept astronautes sélectionnés pour le programme Mercury devenu le premier Américain à réaliser un vol orbital en 1962 avant de récidiver en 1998 à l’âge de 77 ans – en devenant la personne la plus âgée dans l’espace. Une mission qui ne devrait pas trop éprouver celle qui a 19 600 heures de vol au compteur, sachant qu’il n’existe aucun âge limite pour aller dans l’espace. La fusée de Blue Origin, New Shepard, doit atteindre la ligne de Karman, qui marque selon la convention internationale le début de l’espace, à 100 km au-dessus de la Terre. Les passagers pourront flotter en apesanteur durant quatre minutes et observer la courbure de la Terre. Puis la capsule entamera une chute libre pour revenir vers la Terre, et sera freinée par trois grands parachutes et des rétrofusées avant d’atterrir dans un désert de l’ouest du Texas. Un coup de com réussi pour Jeff Bezos sachant que Wally Funk avait également acheté, il y a des années, un billet pour voler avec Virgin Galactic, le vaisseau de son concurrent Britannique Richard Branson, qui s’est déjà envolé de son côté le 11 juillet, pour doubler sur l’aile le patron d’Amazon.
Mise à jour : cet article a été actualisé ce mardi matin à l’approche du décollage de la navette Blue Origin.