De larges plaines arides soufflées par les vents et sur lesquelles seuls quelques arbustes hirsutes parviennent à prendre racine. Les scientifiques le savent : sur les îles Malouines, situées au large de l’Argentine, les arbres ne poussent pas. Les forêts encore moins. Pourtant la récente découverte de troncs enterrés à six mètres de profondeurs vient bousculer les théories des chercheurs, comme le rapporte CNN vendredi 27 septembre. Et les amène à formuler une conclusion étonnante : il y a de cela des millions d’années, l’archipel sous contrôle britannique pourrait bien avoir abrité une forêt tropicale.
Comme le raconte au média américain Zoë Thomas, maîtresse de conférences en géographie physique à l’université de Southampton au Royaume-Uni, les arbres cachés ont été découverts dans une couche de tourbe, sur un chantier de construction près de la capitale, Stanley. «L’idée qu’ils aient trouvé des troncs et des branches d’arbres nous a fait réfléchir à l’âge de ces objets. Nous étions presque sûrs qu’aucun arbre n’avait poussé là depuis longtemps», souligne-t-elle.
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Alors, quel est l’âge de la trouvaille ? Pour le déterminer, les scientifiques ont dû déployer tout un arsenal de techniques. Les restes d’arbres se sont d’abord révélés trop vieux pour la datation au radiocarbone, permettant de déterminer l’âge d’une matière organique jusqu’à 50 000 ans. L’équipe internationale de chercheurs s’est alors tournée vers deux autres éléments : le pollen microscopique et les spores trouvés dans la tourbe.
Entre 15 et 30 millions d’années
Pour les analyser, les morceaux de bois et échantillons de tourbe ont dû être envoyés à 11 000 kilomètres de là, en Australie. Là-bas, ils sont passés sous la lentille d’un microscope électronique de l’université de Nouvelle-Galles du Sud capable de produire des images très détaillées du bois et de sa composition cellulaire. A partir du pollen et des spores prélevés, une réponse a été trouvée : les troncs auraient entre 15 et 30 millions d’années. Et appartiendraient à la communauté des nothofagus et des podocarpacées, regroupant des espèces de hêtres et de conifères que l’on retrouve dans les régions tropicales et humides.
Autrement dit : il fut un temps où le climat des Malouines était plus humide et plus chaud qu’actuellement. Et où le territoire était recouvert d’une forêt tropicale similaire à celle de la Patagonie moderne. Un portrait très éloigné de celui de l’actuel archipel, recouvert d’un sol acide et riche en tourbe. Pourra-t-il un jour retrouver sa grandeur forestière d’avant ? Très peu de chance, estime Zoë Thomas. «Les projections actuelles suggèrent que la région deviendra plus chaude mais aussi plus sèche, ce qui suscite des inquiétudes quant au risque d’érosion des tourbières, qui sont sensibles au changement climatique», regrette la chercheuse.