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Etude

Des éléphants d’Asie observés en train d’enterrer et de pleurer leurs petits

Des scientifiques indiens ont détaillé dans une étude le comportement des pachydermes, qui pleurent bruyamment la disparition de leur progéniture, n’enterrent que les petits, le transport des adultes, trop lourds, étant impossible.
Au parc national de Kaziranga, en Inde. (Patrick Frilet/Hemis. AFP)
publié le 1er mars 2024 à 18h43

Des éléphants qui enterrent leurs petits et les pleurent bruyamment. C’est l’observation surprenante que rapportent les chercheurs indiens Parveen Kaswan et Akashdeep Roy dans un article paru cette semaine dans le Journal of Threatened Taxa. Les chercheurs ont identifié cinq sites où un éléphanteau avait été enterré par ses congénères, dans le nord du Bengale en 2022 et 2023. Les cinq éléphanteaux, âgés de trois mois à un an, sont tous morts d’une défaillance d’organe. «A partir d’observations pertinentes, de photographies numériques, de notes de terrain et de rapports d’autopsie, nous suggérons que les dépouilles ont été enterrées dans une position couchée non naturelle, identique, et ce quelles que soient les raisons de la mort du petit», indique l’étude. Dans un cas, le troupeau a barri bruyamment autour de l’éléphanteau gisant sous terre, ont écrit les auteurs de l’étude.

Les auteurs, Parveen Kaswan et Akashdeep Roy, ont précisé que leurs recherches n’avaient révélé «aucune intervention humaine directe» dans l’enterrement de chacun des cinq éléphanteaux étudiés. Des empreintes claires de 15 à 20 éléphants ont été observées autour des lieux de sépulture et sur la terre sous laquelle les dépouilles étaient ensevelies. Les éléphants sont connus pour leur comportement social et coopératif. Si l’enterrement de petits a déjà été «observé» chez leurs cousins d’Afrique, le phénomène n’avait pas encore été relevé en Asie, souligne l’étude.

La découverte la plus intéressante pour les chercheurs reste la façon dont les corps ont été disposés. Tous sur le dos, les pattes vers le haut, tout indique qu’ils ont été portés et déposés là par des membres du troupeau. L’examen des carcasses laisse également penser qu’elles ont été portées sur de longues distances, même si celles-ci ont été déposées avec soin. «Ce comportement stratégique reflète également le souci et l’affection des [autres éléphants] envers le congénère mort», écrivent les auteurs. L’étude explique que seuls les petits sont enterrés ainsi, le transport des adultes étant impossible en raison de leur taille et de leur poids.

Certains comportements jusque-là inconnus

Autre fait surprenant découvert par les chercheurs dans les cinq cas de l’étude : «dans les quarante minutes suivant l’enterrement», le troupeau «a fui le site» et a ensuite évité de retourner dans la zone, empruntant plutôt des routes de migration parallèles. Un comportement qui diffère de ce qui a déjà pu être observé chez les éléphants sauvages d’Afrique et d’Asie, qui visitent les dépouilles de leurs congénères adultes à différents stades de décomposition.

Les éléphants ont par ailleurs enterré les petits dans les canaux d’irrigation de plantations de thé, à quelques centaines de mètres d’établissements humains, conséquence directe de la perte d’habitat des éléphants qui sont poussés «à explorer les espaces humains pour satisfaire leurs besoins alimentaires [notamment]». Dès lors, certains comportements jusque-là inconnus deviennent donc observables.

Les éléphants d’Asie figurent sur la liste des espèces en voie de disparition dressée par l’Union internationale pour la conservation de la nature. On estime que 26 000 d’entre eux vivent à l’état sauvage, principalement en Inde, mais il en demeure aussi quelques-uns en Asie du Sud-Est. Hors captivité, ils vivent en moyenne de 60 à 70 ans.