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Libération
Apprentis sorciers

Le moa géant, oiseau de 3 mètres disparu il y a six cents ans en Nouvelle-Zélande, pourrait bientôt être «ressuscité»

Après le mammouth laineux et le loup géant, la start-up Colossal Biosciences spécialisée en «désextinction» a récemment annoncé vouloir faire revivre l’immense volatile, qui s’est éteint entre les XIIIe et XVe siècles avec l’arrivée des Maoris sur l’archipel.
Une représentation du moa géant. (Colossal Biosciences /AP)
publié le 14 juillet 2025 à 20h35

Un long cou, deux puissantes pattes aux griffes acérées et une épaisse robe de plumes brunes. Du haut de ses 3,5 mètres, le moa géant est l’un des plus grands oiseaux à avoir foulé le sol de la Terre. Pendant des millions d’années, cet herbivore inapte au vol a arpenté la Nouvelle-Zélande, jusqu’à l’arrivée des premiers habitants (les Maoris) sur l’archipel, estimée au XIIIe siècle. En une centaine d’années à peine, les neuf espèces de cet immense volatile s’éteignent.

Mais mardi 8 juillet, la start-up américaine Colossal Biosciences, qui œuvre à la «désextinction», a annoncé vouloir ressusciter le volatile géant, six cents ans après sa disparition.

Ce n’est pas la première fois que cette société joue avec les limites du vivant, sur le modèle des scientifiques fous de Jurassic Park. Elle avait déjà fait parler d’elle en 2024, en affirmant être capable de recréer un mammouth – qu’on n’a plus croisé sur Terre depuis quatre mille ans – en combinant les gènes fossilisés de l’espèce préhistorique et ceux d’un éléphant.

Puis une seconde fois, en avril 2025, lorsqu’elle s’était targuée d’avoir fait naître des «loups géants» – les jumeaux Romulus et Rémus ainsi que leur sœur Khaleesy - issus d’une espèce disparue depuis dix mille ans : le «loup sinistre». En parallèle, elle se penche même sur la résurrection du dodo et du tigre de Tasmanie.

Milliers d’ossements

Cette fois-ci donc, Colossal Biosciences a jeté son dévolu sur un gros oiseau néo-zélandais, dont l’existence perdure au travers des traditions orales maories et des milliers d’ossements retrouvés dans les sols du pays.

Pour ce faire, les scientifiques souhaitent combiner l’ADN des fossiles du moa aux gènes de huit proches parents survivants, notamment l’émeu d’Australie – une sorte d’autruche. Une fois éclos, les oiseaux génétiquement modifiés seront relâchés dans des «sites de réensauvagement» clôturés, précise l’entreprise texane. Elle affirme vouloir ressusciter le moa d’ici cinq à dix ans, en partenariat avec le centre de recherche Ngāi Tahu de l’université de Canterbury.

Plus insolite encore, cette recherche scientifique serait financée à hauteur de 15 millions de dollars (près de 13 millions d’euros) par le réalisateur du Seigneur des anneaux, Peter Jackson.

«L’espoir que d’ici quelques années, nous pourrons revoir un moa, cela me rend plus heureux que n’importe quel film», a affirmé le producteur néo-zélandais, lui-même passionné par l’oiseau disparu, et qui possède une véritable collection d’os de moas − entre 300 et 400.

Scientifiquement impossible ?

Mais comme à chaque annonce de Colossal Biosciences sur de nouveaux travaux de résurrection d’une espèce disparue, les critiques fusent. De nombreux chercheurs affirment qu’il est scientifiquement impossible de ramener à la vie des animaux préhistoriques. Comme l’explique au Guardian Nic Rawlence, expert en moas et professeur associé en ADN ancien à l’université d’Otago (Nouvelle-Zélande) : «Si l’on prend le cas du loup géant, son génome compte 2,5 milliards de lettres. Il est identique à 99 % à celui du loup gris, ce qui représente tout de même plus d’un million de différences, et ils n’ont apporté que 20 modifications à 14 gènes. Dire qu’ils ont créé un loup géant est donc une farce. Ils ont créé un loup gris sur mesure. Et ce sera pareil avec le moa, quoi qu’il arrive.»

D’autres encore fustigent l’énergie et l’investissement mis dans ces expérimentations, qui détournent l’attention sur ce qui est actuellement en train de se passer sous nos yeux : l’extinction de millions d’autres espèces, du fait de l’impact de l’homme et du changement climatique. Dans un monde où les populations d’animaux sauvages se sont effondrées de 73 %, les efforts pourraient être concentrés sur ce qui peut encore être sauvé.