Une preuve de plus qu’éteindre la lumière n’évite pas de se faire réveiller par le sifflement d’un moustique au creux de son oreille. Dans une étude publiée le 21 août dans Nature, des chercheurs de l’université de Californie ont mis en évidence que le moustique Aedes aegypti utilise l’infrarouge pour s’orienter jusqu’à sa cible humaine. Emis par le corps humain lorsqu’il perd naturellement de l’énergie, il s’agit du même même rayonnement qui révèle, à l’aide de lunettes de vision nocturne, la forme d’un homme ou d’un animal dans la nuit.
Aedes aegypti préoccupe de plus en plus les autorités sanitaires, car il est, avec son cousin le moustique tigre, l’un des principaux vecteurs de virus comme la dengue, la fièvre jaune, le zika ou le chikungunya : si sa présence est encore limitée en France métropolitaine (il l’est déjà aux Antilles, en Guyane et à Mayotte), elle pourrait s’étendre dans le futur. Transmettre ces virus n’est que le dommage collatéral de l’objectif vital de cet insecte : se repaître de sang, humain de préférence. Pour l’atteindre, l’insecte intègre simultanément plusieurs moyens de détection. Il repère d’abord, jusqu’à plus de dix mètres d’un individu, l’infime fluctuation de dioxyde de carbone que sa respiration entraîne. Cette fluctuation vient «élever son activité locomotrice et d’accroître sa réactivité à d’autres stimuli issus de l’hôte», décrivent les chercheurs. Il y a notamment les indices laissés par l’odeur humaine, que le moustique détecte jusqu’à un ou deux mètres.
«Pauvre acuité visuelle»
Sauf que les courants d’air perturbent ces moyens de détection. Et la «pauvre acuité visuelle» d’Aedes aegypti l’empêche de compenser par sa vue. Certes, l’insecte sait qu’il touche au but quand il arrive à moins de dix centimètres de la peau, où il détecte humidité et chaleur. Reste à parvenir jusque-là.
C’est là qu’intervient le travail de recherche de l’équipe de l’université de Californie. Elle a cherché à savoir si cette espèce de moustique peut, comme le serpent à sonnettes ou certains coléoptères, s’aider du rayonnement infrarouge émis par notre corps pour affiner sa position et s’orienter jusqu’à sa cible. Elle a donc placé 80 moustiques femelles dans une cage, à quelques centimètres de deux plaques : l’une à température ambiante (29,5 °C, typique d’un pays chaud) et l’autre pouvant être amenée à celle de la peau humaine (34 °C). Ce dispositif permettait aussi l’émission d’un discret nuage de CO2 et la diffusion de l’odeur de sueur humaine émanant d’un vieux gant.
En combinant ces éléments et en filmant le comportement des moustiques, ils ont constaté qu’un indice unique - CO2, odeur ou rayonnement infrarouge de la plaque portée à température de la peau - entraînait une réponse très faible des moustiques. Elle était nettement plus marquée avec une combinaison d’odeur et de CO2. Et maximale en associant rayonnement infrarouge, odeur et CO2.
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Les chercheurs notent que la température de surface d’autres mammifères peut varier jusqu’à 10 degrés. Pas de chance pour les humains : leur température corporelle «est la plus attirante pour les moustiques». Autre précision de l’étude : l’espèce de moustiques peut détecter le rayonnement infrarouge de la peau jusqu’à au moins 70 centimètres de l’individu. A une distance «intermédiaire» entre celle où il repère CO2 et odeurs corporelles d’une part et chaleur et humidité de la peau d’autre part.
Aussi ses auteurs supposent que «la détection par infrarouge pourrait être largement utilisée parmi les moustiques se nourrissant de sang pour se diriger vers des hôtes à sang chaud». Vérifier cette hypothèse permettrait, à terme, de concevoir «des pièges à moustiques plus efficaces».