On sait depuis récemment que Vénus est une planète vivante, avec une activité géologique que l’on peut observer de nos jours. Des volcans entrent en éruption, des poches de magma se vident en créant des caldeiras (des dépressions). Dernière découverte en date : il y a même des coulées de lave fraîche qui se répandent à la surface de la planète, sur les flancs des volcans. On sait du moins que cela s’est produit entre 1990 et 1992, et selon toute vraisemblance, ce doit être un phénomène courant et encore actuel.
Les observations de lave ont été faites par la sonde Magellan, qui était en orbite autour de Vénus à cette époque. Ce satellite américain embarquait avec lui un radar et a permis de bien cartographier notre planète voisine. On a compris que sa surface était recouverte majoritairement de roches volcaniques, avec des plaines de lave, de nombreux volcans et relativement peu de cratères d’impact de météorite – ce qui révèle une surface géologiquement jeune, modelée il y a moins de 800 millions d’années. Et en ressortant des tiroirs les images de Magellan trente ans plus tard, les planétologues continuent d’y trouver des surprises.
Le chercheur américain Robert Herrick a par exemple avoué avoir épluché les photos de Magellan pour tuer le temps lors de ses réunions en visioconférence lors de la pandémie de Covid. Il y cherchait des signes de volcanisme actif, et il a été servi : on voyait des ouvertures volcaniques changer de forme et des caldeiras s’agrandir entre deux photos prises à huit mois d’écart. Son étude, qui prouve que Vénus est géologiquement vivante aujourd’hui, a été publiée en 2023.
Angle d’observation
Alors, d’autres planétologues ont voulu creuser le sujet. «Pour étudier davantage d’altérations ayant touché la morphologique de la surface de la planète, nous avons comparé des images radar de mêmes régions observées entre 1990 et 1992 par la sonde spatiale Magellan», expliquent deux chercheurs italiens de l’université Gabriele-d’Annunzio en introduction de leurs travaux, publiés cette semaine dans la revue Nature Astronomy. La sonde a eu beau survoler plusieurs fois les mêmes volcans, elle n’avait pas le même angle d’observation : parfois elle passait à leur gauche, et d’autres fois du côté droit. Donc les ondes renvoyées au radar par la surface de Vénus n’avaient pas le même angle non plus, et il est difficile de comparer les images. Les planétologues Davide Sulcanese et Giuseppe Mitri ont demandé l’aide de Marco Mastrogiuseppe, expert en traitement des données radar, pour rendre possible cette comparaison.
Bilan : «Nous avons trouvé des variations dans la rétrodiffusion radar provenant de plusieurs coulées volcaniques sur le flanc ouest du volcan Sif Mons, et à l’ouest de la plaine Niobe. Nous pensons que ces changements peuvent raisonnablement être considérés comme la preuve de l’arrivée de nouvelles coulées de lave, liées aux activités volcaniques ayant eu lieu pendant la mission de Magellan.»
Tout est à prendre au conditionnel et avec de multiples pincettes, bien sûr, car on interprète des pixels flous, plus ou moins noirs, sur des images radar vieilles de trente ans. Mais les chercheurs italiens précisent avoir exploré tous les scénarios alternatifs qui expliqueraient leurs observations, et celui des nouvelles coulées de lave est leur meilleure interprétation. «Notre étude couvre 16 % de la surface de Vénus, car nous sommes limités dans la comparaison des images avec le même angle. Il est probable qu’il existe davantage de preuves de cette nature sur Vénus», rapporte Davide Sulcanese au site Phys.org.
Futures missions spatiales
Pour confirmer ces découvertes, de futures études sur Vénus seront précieuses. Mais notre planète voisine, d’une taille très comparable à la Terre, est entourée d’une couche d’atmosphère très épaisse, opaque et hostile avec ses nuages d’acide sulfurique, qui complique les observations. On y a envoyé peu de missions spatiales – il est bien plus facile et gratifiant d’aller sur Mars.
La dernière en date est une mission japonaise, Akatsuki, qui est entrée en orbite autour de Vénus en 2015 et vient peut-être de rendre son dernier souffle. «Nous avons perdu contact avec Akatsuki après une opération fin avril. Nous nous efforçons actuellement de rétablir les communications avec la sonde», a posté l’agence spatiale japonaise (la Jaxa) sur le réseau social X cette semaine.
Heureusement, la relève est proche. Pas moins de trois nouvelles missions vers Vénus vont être lancées ces prochaines années : l’orbiteur européen EnVision, et les sondes américaines Davinci et Veritas, avec de meilleurs imageurs radar qu’à l’époque de Magellan.