C’est une première, qui vise à consolider la position de Blue Origin dans un secteur spatial toujours plus concurrentiel. L’entreprise spatiale du fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, s’apprête à mener le vol inaugural de son lanceur lourd New Glenn. La fusée de 98 mètres de haut doit décoller à partir du 12 janvier au plus tôt depuis la base de Cap Canaveral en Floride, selon Blue Origin, après un report quelques jours en raison de mauvaises conditions météorologiques. Le lancement devait initialement se tenir ce vendredi 10 janvier.
La fenêtre de lancement, d’une durée de trois heures, s’ouvrira à 1 heure heure locale (7 heures heure française). Aucune autre fenêtre n’est en revanche prévue lundi à la même heure, selon le régulateur américain de l’aviation (FAA). Avec ce vol, attendu depuis plusieurs années et repoussé à plusieurs reprises, la société ambitionne de rattraper son grand rival SpaceX, propriété d’Elon Musk.
«Il est temps de voler»
Si l’opération était un succès, Blue Origin signerait son premier vol en orbite. La société emmène déjà depuis plusieurs années des touristes dans l’espace, avec sa fusée New Shepard, mais pour quelques minutes seulement. Avec New Glenn, bien plus puissante, elle ambitionne d’entrer sur un nouveau marché, celui du lancement de satellites commerciaux et militaires lourds et d’envoi de vaisseaux sur la Lune ou encore sur Mars.
«C’est notre premier vol et nous nous nous y sommes rigoureusement préparés», a déclaré Jarrett Jones, vice-président de New Glenn. «Mais aucun essai au sol ni aucune simulation de mission ne peuvent remplacer le vol de cette fusée. Il est temps de voler. Quoi qu’il arrive, nous apprendrons, affinerons et appliquerons ces connaissances à notre prochain lancement», a-t-il ajouté.
Laura Forczyk, analyste du secteur, voit de son côté ce vol inaugural comme «une grande avancée pour Blue Origin et pour l’industrie spatiale». Avec cette fusée à grande capacité, l’entreprise pourra «non seulement rivaliser avec (l’envoi de) satellites, la livraison et le transport» dans l’espace, mais elle aura aussi «la capacité de lancer des astronautes», a-t-elle détaillé à l’AFP.
Volonté de concurrencer SpaceX
L’enjeu du vol est clair : concurrencer SpaceX, qui domine actuellement le marché, et dans une moindre mesure le groupe américain ULA et le Français Arianespace. «SpaceX a été au cours des dernières années à peu près le seul acteur» dans le domaine des lancements commerciaux et militaires, relève Scott Hubbard, ancien cadre de l’agence spatiale américaine et professeur à Stanford, qui salue cette «concurrence au Falcon 9» de SpaceX, entré en service au début des années 2010. En plus d’offrir aux autorités américaines la sécurité d’un plan de secours, une concurrence accrue pourrait faire baisser les coûts de lancement, estime l’expert. Les deux entreprises ont été fondées au début des années 2000 par les deux figures rivales de la Sillicon Valley, mais Blue Origin a progressé à un rythme beaucoup plus lent, notamment en raison d’une approche plus prudente en matière de conception.
Comme celles de son concurrent, La fusée New Glenn est en partie réutilisable, et doit pouvoir emporter jusqu’à 45 tonnes en orbite basse. C’est plus du double que pour Falcon 9, mais toujours moins que pour Falcon Heavy (63,8 tonnes), lancé pour la première fois en 2018.
Une fois la fusée New Glenn lancée, son premier étage, qui a propulsé l’ensemble, doit tenter un atterrissage contrôlé sur une barge en mer, une manœuvre délicate similaire à celles réalisées par SpaceX. «Personne n’a encore réussi à faire atterrir un propulseur réutilisable du premier coup. Pour autant, nous allons le tenter, et nous avons humblement confiance en nos chances de réussir», avait déclaré en septembre sur X David Limp, le PDG de Blue Origin.
Missions à venir pour la Nasa
La fusée transportera par ailleurs un prototype du remorqueur polyvalent Blue Ring, un engin spatial financé par le ministère américain de la Défense et destiné à déplacer des satellites vers leurs orbites finales. Ses fonctions techniques seront testées lors de cette première mission, qui devrait durer six heures.
Si ce lancement est un succès, d’autres vols du New Glenn devraient suivre en 2025. L’entreprise a déjà signé des contrats avec plusieurs clients, dont la Nasa pour une mission vers Mars, aujourd’hui prévue pour le printemps, et une autre habitée vers la Lune avec Artémis 5 à l’horizon 2030. Blue Origin dispose également de contrats avec le gouvernement américain pour des missions de sécurité nationale et avec des acteurs commerciaux, dont l’entreprise canadienne Telesat pour le déploiement de satellites internet.
Et comme SpaceX avec Starlink, elle devrait être chargée du lancement d’une partie des satellites du groupe Amazon, les deux entrepreneurs à leur tête se livrant également une compétition dans le domaine, chacun travaillant au déploiement de sa propre galaxie. Le rapprochement d’Elon Musk avec Donald Trump pose par ailleurs la question d’éventuels conflits d’intérêt et répercussions négatives pour les activités de Jeff Bezos, ancienne bête noire du républicain.
Mise à jour vendredi midi : ajout du report du vol.