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Des astronomes français découvrent un océan souterrain sur Mimas, la lune de Saturne

Des chercheurs publient ce mercredi 7 février dans la revue «Nature» les résultats de leurs travaux sur ce petit satellite qui cachait bien son jeu. Grâce à cet océan récent et propice à l’apparition de formes de vie, Mimas pourrait devenir un excellent candidat pour de futures missions d’exploration.
Mimas, la petite lune de Saturne, photographiée par la sonde américaine Cassini en 2010. (Photo Nasa)
publié le 7 février 2024 à 17h00

Vu de loin, il n’est pas très impressionnant : Mimas, l’un des principaux satellites naturels de Saturne, ressemble à notre Lune en modèle réduit. C’est un petit astre uniformément gris et constellé de cratères, d’un diamètre moyen de 400 kilomètres (là où la Lune mesure 3 474 km). Il est tout juste assez gros pour que sa gravité lui ait donné une forme de sphère. On ne connaît d’astre rond plus petit que Mimas dans le système solaire. C’est déjà un fait remarquable qui rend unique cette lune saturnienne. Mais une nouvelle découverte va l’envoyer sous les feux des projecteurs pour les décennies à venir : sous sa surface accidentée, Mimas renferme un océan souterrain d’eau liquide.

Observation impossible avec un téléscope

C’est à des astronomes français que l’on doit cette révélation : Valéry Lainey de l’Observatoire de Paris, accompagnée d’enseignants-chercheurs de Sorbonne Université, de Nantes Université et de l’Université de Franche-Comté (mais aussi de deux confrères britannique et chinois), publient leurs résultats ce mercredi 7 février dans la revue Nature. «A partir de l’analyse détaillée du mouvement orbital de Mimas basé sur les données de [la sonde] Cassini, nous montrons que sa croûte glacée et lourdement cratérisée cache un océan global [qui fait le tour complet de la planète, ndlr] à une profondeur de 20 à 30 kilomètres», écrivent les chercheurs.

La présence de cette eau étant impossible à observer directement avec un télescope, on fait des déductions sur la densité et la structure interne de ce satellite en mesurant le plus précisément possible sa trajectoire. Mimas tourne autour de Saturne en lui présentant toujours la même face car il tourne aussi sur lui-même au même rythme (en 22 heures), exactement comme notre Lune. Et en plus, il subit de petites oscillations qu’on appelle librations… exactement comme notre Lune encore une fois. Les astrophysiciens ont étudié la relation entre les librations de Mimas et son mouvement orbital, enregistrées par la sonde américaine Cassini qui a survolé Saturne et ses satellites entre 2004 et 2017. Les chercheurs ont comparé ces données à des modèles informatiques, pour mesurer comment se déplacerait Mimas selon différents types de structure interne (épaisseur et composition de la croûte, du manteau, du noyau…). Et ils en ont conclu que «les caractéristiques fines de l’orbite de Mimas ne peuvent s’expliquer que par la présence d’un océan global caché sous toute la surface du satellite», résume l’Observatoire de Paris dans son communiqué de presse.

Bactéries extraterrestres

C’est loin d’être la première lune du système solaire qui abrite un océan d’eau sous sa croûte de glace. A vrai dire, c’est même une découverte récurrente ces dernières années : plus on s’intéresse aux satellites de nos planètes voisines et plus on trouve d’océans souterrains. Il y a un océan sous la glace d’Encelade, une autre grosse lune de Saturne – celle-là était facile à repérer, car on voit au télescope des panaches de vapeur s’échapper de sa surface… Il y a aussi de l’eau sous la surface d’Europe, de Callisto et de Ganymède, trois lunes de Jupiter qu’est partie explorer une sonde européenne, Juice, en 2023. On pense même qu’il y a des océans sous quatre lunes d’Uranus. Bref, «les lunes abritant potentiellement un océan global tendent à devenir relativement communes dans le système solaire», notent Valéry Lainey et ses collègues.

Mais «la présence de ces océans est généralement trahie par une modification de la surface, due à des dynamiques internes». Et sur Mimas, on ne voyait rien de tout cela. On le considérait jusqu’ici comme «l’endroit le plus improbable où chercher la présence d’un océan global». Les chercheurs pointent une explication simple à cette discrétion : l’océan serait trop jeune. Il se serait formé il y a 25 millions d’années quand l’orbite de Mimas a soudainement changé (devenant plus excentrique, c’est-à-dire moins circulaire et plus ovale) sous l’influence des autres lunes de Saturne. Les forces s’appliquant sur Mimas ont modifié son intérieur. Et, plus récemment encore, l’océan s’est approché de la surface. «L’interface entre l’océan et la croûte glacée a atteint une profondeur inférieure à 30 kilomètres il y a moins de deux à trois millions d’années. Un délai trop court pour que des signes d’activité soient apparus à la surface de Mimas.»

L’océan secret de Mimas en fait désormais un excellent candidat pour de futures missions d’exploration spatiale, car qui dit eau liquide dit environnement propice à l’apparition de formes de vie. En théorie, il est tout à fait possible que ces océans souterrains grouillent de bactéries extraterrestres… La mission européenne Juice, comme l’américaine Europa Clipper (qui se concentre sur Europe), veulent d’ailleurs mettre le paquet sur l’identification des molécules présentes sur les lunes de Jupiter : si on y trouve les briques élémentaires de la vie, d’autres missions iront peut-être essayer de plonger dans les océans pour y faire des analyses plus poussées. Aucune mission vers Mimas n’est encore prévue à ce jour… Mais nul doute que la découverte de son océan va donner des idées aux planétologues.