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Libération
Naufrage spatial

Deux astronautes américains coincés dans l’espace depuis près de deux mois, un casse-tête pour les rapatrier

En raison de problèmes techniques sur Starliner, la capsule spatiale de Boeing, Butch Wilmore et Sunita Williams, qui patientent dans la station spatiale internationale, ne peuvent pas rentrer sur Terre. La Nasa pourrait faire appel à SpaceX, le concurrent direct de Boeing, pour les ramener, mais pas avant 2025.
Suni Williams et Butch Wilmore, au centre, posent avec les ingénieurs de vol avant leur départ, le 24 juin 2024. Mais ils ne pourraient rentrer qu'en février 2025. (NASA/AP)
publié le 8 août 2024 à 20h20

Ils se sont envolés avec Boeing mais risquent d’atterrir avec SpaceX. Quand, le 5 juin, Butch Wilmore et Suni Williams ont décollé à bord du vaisseau Starliner conçu par Boeing vers la station spatiale internationale, ils ne devaient rester qu’une dizaine de jours dans l’espace. Cela en fait désormais 52 qu’ils flottent à 400 kilomètres au-dessus du plancher des vaches avec les sept autres habitants de l’ISS et pourraient y rester jusqu’en 2025. Différents problèmes techniques identifiés sur le Starliner ne permettent pas d’utiliser ce vaisseau sans risques pour retourner sur Terre, contrairement à ce qui était prévu. Selon le Wall Street Journal, les responsables de la Nasa ont évoqué, ce mercredi 7 août, un plan B pour rapatrier les deux astronautes : utiliser le vaisseau du concurrent direct de Boeing, SpaceX.

Le vaisseau de Boeing avait déjà rencontré de plusieurs avaries dès sa première mission. Son décollage avait été reporté par deux fois à cause de fuites d’hélium – gaz permettant de manœuvrer la capsule dans l’apesanteur spatiale – réparées avant l’envol. C’est lors l’arrivée de la capsule à l’ISS, le 6 juin, que 5 des 28 propulseurs à réaction ont surchauffé, obligeant les astronautes à s’arrimer manuellement à la station orbitale. Depuis, Butch Wilmore, 61 ans et Suni Williams, 58 ans, cherchent à comprendre ce qui a pu causer une telle surchauffe, ce qui ne peut qu’être effectuée dans la station et reporte le retour des deux astronautes. Les moteurs appartiennent à un module qui se détachera de Starliner et se consumera dès son entrée dans l’atmosphère terrestre.

SpaceX à la rescousse

Le 10 juillet dernier, la Nasa avait accordé du temps à Boeing et ses astronautes pour tester et réparer Starliner. Le 6 août, l’agence spatiale américaine a même annoncé que le neuvième vol de SpaceX vers l’ISS, le vol du Crew-9, à bord de la capsule Dragon, serait décalé du 18 août au 24 septembre pour «finaliser la planification du retour du Boeing Crew Flight Test». Mais les résultats ne sont pas de nature à rassurer la Nasa. Si la capsule peut se désarrimer sans problème de l’ISS, le comportement des propulseurs sur le trajet retour inquiète toujours l’agence. C’est pourquoi elle a tout même prévu un «plan B» pour ramener Wilmore et Williams sur Terre. «Nous ne sommes pas obligés de ramener un équipage à bord du Starliner, a expliqué Ken Bowersox, administrateur associé de la direction des missions spatiales de la Nasa. Nous pourrions les ramener à bord d’un autre véhicule.»

Un autre véhicule qui pourrait être le concurrent direct de Boeing : l’entreprise d’Elon Musk, SpaceX. Concrètement, il s’agirait d’utiliser la rotation déjà prévue pour la mi-septembre avec le Crew-9. Deux des quatre astronautes censés partir avec la capsule Dragon resteraient sur Terre afin de pouvoir ramener Wilmore et Williams à la fin de cette rotation qui est prévue pour février 2025. Outre l’attente pour le duo de naufragés spatiaux, une telle manœuvre nécessiterait de faire repartir la capsule Boeing à vide. Problème, selon le site Ars Technica, le logiciel de Starliner ne permet de désarrimer la capsule uniquement depuis son intérieur. Sauf modification du logiciel, elle ne peut donc pas être décrochée de l’ISS, sans personne à l’intérieur.

Clou dans le cercueil spatial

«Nous n’avons pas approuvé ce plan», a prévenu Steve Stich, responsable des vols commerciaux à la Nasa. L’agence doit rendre sa décision mi-août, mais la simple évocation du plan SpaceX sonne déjà comme une humiliation pour Boeing. Le constructeur est en concurrence directe avec la firme d’Elon Musk depuis que la Nasa a sélectionné les deux entreprises pour remplacer ses navettes à destination de l’ISS.

SpaceX avait pris la tête de la course en envoyant, dès 2020, sa navette Dragon à destination de la station orbitale alors que Boeing essuyait les échecs. Pourtant partenaire historique de l’agence spatiale américaine, une nouvelle déconvenue pourrait menacer cette collaboration qui date de 1933. Toujours selon le site Ars Technica, en cas de nouvel échec, Boeing pourrait vouloir mettre fin au programme Starliner qui lui a déjà coûté 1,6 milliard de dollars depuis 2016.

Pour l’heure, la décision reste entre les mains de la Nasa. Dans l’attente de celle-ci, Butch Wilmore et Suni Williams continuent à participer aux expériences au sein de la station orbitale comme des astronautes en mission. Quant à la nourriture et aux fournitures, l’ISS dispose d’une grande quantité de rations. Les deux naufragés de l’espace vont donc pouvoir continuer à admirer la Terre et à profiter de l’apesanteur spatiale.