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Libération
Envoyée spatiale

En route vers Jupiter, la sonde Juice s’est entièrement déployée

L’engin spatial européen a terminé de déplier les différentes antennes qui lui permettront d’étudier Jupiter et ses lunes glacées dans huit ans. L’une des antennes, un radar italien nommé «Rime», avait causé quelques frayeurs en restant coincée.
Vue d'artiste de la sonde Juice en route vers Jupiter. (Image ESA/ATG Medialab)
publié le 2 juin 2023 à 13h16

Six semaines après son décollage, la sonde européenne Juice a enfin pris sa forme finale, bardée d’antennes comme une araignée de métal. On a connu ordinateur plus rapide à l’allumage, certes. Mais pour une machine voguant en pleine espace, que l’on ne peut commander et réparer qu’à distance en communiquant par les ondes, c’est déjà pas mal, non ? Les ingénieurs de la mission sont contents. «Ces six semaines ont été épuisantes mais passionnantes, résume Angela Dietz, une des responsables des opérations, dans un communiqué de l’Agence spatiale européenne. Nous avons rencontré et surmonté plusieurs difficultés pour préparer Juice à donner le meilleur d’elle-même lors de son voyage vers Jupiter.»

A terme, l’engin spatial devra étudier les trois lunes glacées de Jupiter – Europe, Callisto et Ganymède – qui renferment chacune un océan souterrain, peut-être susceptible d’abriter des formes de vie. Mais c’est loin, Jupiter… D’autant plus que Juice emprunte un chemin très détourné pour économiser du carburant. Au lieu de foncer tout droit vers la planète géante, la sonde européenne va tourner autour du Soleil (comme la Terre) en prenant de plus en plus d’élan, jusqu’à atteindre Jupiter, enfin, en 2031.

Spectromètre, caméras et autres capteurs

Le trajet en lui-même sera propice à commencer les observations scientifiques de notre système solaire. Pour gagner de la vitesse grâce à l’«assistance gravitationnelle» des planètes, Juice survolera la Terre et la Lune en août 2024, puis Vénus en 2025, encore la Terre en 2026 puis en 2029. Il faut que tous les magnétomètre, altimètre, spectromètre, caméras, antennes et autres capteurs dont Juice est équipée soient en bon état de fonctionnement pour engranger des données durant ce palpitant voyage.

Les premiers éléments cruciaux à déployer ont été les panneaux solaires, pour fournir de l’énergie au vaisseau. Au décollage, ils étaient sagement repliés le long de la sonde, afin que le tout puisse rentrer dans la coiffe de la fusée Ariane 5. Il a ensuite été temps d’allumer et tester un à un les dix instruments scientifiques de la sonde à 1 milliard d’euros.

Décoincer l’antenne

Le plus stressant a été de déplier l’antenne radar. Nommée «Rime», elle doit permettre de scruter la structure des satellites de Jupiter jusqu’à 9 kilomètres de profondeur… Mais Rime est restée coincée. L’ESA a annoncé le 28 avril, deux semaines après le décollage, que l’antenne n’avait atteint qu’un tiers de sa longueur totale de 16 mètres à cause d’une épingle restée trop enfoncée de quelques millimètres. Le prochain allumage des moteurs de Juice suffirait-il à la secouer suffisamment pour déloger l’épingle ? Fallait-il attendre que l’antenne se retrouve côté soleil pour chauffer un peu et coulisser plus facilement ? Ces différentes pistes ont généré des micromouvements, mais ça n’a pas été suffisant.

C’est finalement une opération de réparation à distance qui a décoincé l’antenne. Le 12 mai, l’équipe de la mission Juice a activé à distance un mécanisme qui a secoué l’antenne de quelques millimètres. Et Rime a enfin jailli.

Une carte 3D des champs magnétiques

Plusieurs petites caméras installées sur la sonde permettent de garder un œil sur son état et sur le bon déploiement des instruments. Au cours de la dernière semaine, ce sont «les quatre sondes Langmuir et les trois antennes radio de l’instrument RPWI» qui ont été mises en place, marquant la fin de cette grande phase de mise en route pour Juice. Jan-Erik Wahlund, responsable de l’instrument à l’Institut suédois de physique spatiale, s’en est réjoui‚ rapporte l’ESA : «Fantastique, après dix ans de travail intensif, nous sommes enfin prêts à faire des découvertes !»

RPWI (pour Radio & Plasma Wave Investigation), un instrument de fabrication suédoise, mesurera les ondes radio et le gaz ionisé qui entourent Jupiter et ses lunes. «RPWI sera le premier instrument de l’histoire à générer une carte 3D des champs magnétiques autour de Jupiter, note l’ESA. Cela nous fournira des informations précieuses sur la manière dont l’énergie est transférée entre l’énorme magnétosphère en rotation de Jupiter et ses lunes glacées. C’est ce transfert d’énergie qui pilote, notamment, les aurores sur Ganymède et dans la haute atmosphère de Jupiter. Et grâce à la sensibilité particulière de RPWI dans les basses fréquences, nous pourrons détecter des signaux électromagnétiques très faibles dans les marées et courants qui agitent les océans souterrains des lunes.»

Maintenant que Juice a mis en place tous ses instruments qu’il fallait physiquement déplier, et donc pris sa forme finale, il reste à allumer et calibrer quelques capteurs supplémentaires. La caméra Janus a pris de l’avance, et déjà envoyé à la Terre ses premières photos d’étoiles. Une fois arrivée dans le voisinage de Jupiter, elle se chargera de scruter les lunes glacées dans 13 longueurs d’onde différentes, du violet à l’infrarouge. Tous les autres instruments devraient être testés et validés d’ici mi-juillet.