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Hubble : qui veut observer loin ménage son télescope

En orbite depuis trente-quatre ans, le télescope spatial souffre de pannes successives sur ses gyroscopes, les composants qui lui permettent de pointer dans la bonne direction. La Nasa a décidé de le passer en régime restreint pour prolonger sa durée de vie.
Le téléscope Hubble. (ESA. NASA)
publié le 7 juin 2024 à 15h32

Le mythique télescope Hubble se fait vieux. Voilà trente-quatre ans désormais qu’il est en orbite autour de la Terre – depuis son lancement le 24 avril 1990 –, nous régalant de splendides images et abreuvant les scientifiques de données précieuses sur l’univers qu’il observe. Mais ses composants techniques montrent des signes de faiblesse les uns après les autres, quand ils ne tombent pas carrément en panne, et il devient de plus en plus difficile de les réparer à distance, depuis la Terre. La Nasa vient d’annoncer qu’il est temps d’en demander moins à Hubble : le télescope spatial n’est définitivement plus en état de fonctionner normalement, mais il va continuer d’être exploité à régime restreint. On espère pouvoir compter sur lui quelques années encore.

Le problème vient surtout des gyroscopes, ces instruments qui permettent à Hubble de s’orienter dans l’espace. Les gyroscopes sont le maillon faible du télescope depuis ses débuts. Il y en a six : trois réellement opérationnels, qui doivent fonctionner ensemble pour qu’Hubble puisse viser ses cibles astronomiques, et trois de secours pour prendre le relais au cas où. Deux gyroscopes défaillants ont déjà dû être changés en 1993 par des astronautes envoyés en mission de réparation. En 1999, ils tombent de nouveau en panne en série et une nouvelle mission de sauvetage se charge de les remplacer tous. Une dernière expédition de maintenance en 2009 en a profité, entre autres bricolages, pour tous les changer encore une fois.

«Des mesures erronées de plus en plus souvent»

Depuis, il n’a plus été question d’envoyer des astronautes jouer aux mécanos de l’espace : Hubble est trop ancien pour que l’investissement vaille le coup, et les budgets de la Nasa ont plutôt été dirigés vers la conception d’un nouveau télescope bien plus performant, le James Webb Space Telescope (lancé en 2021). Alors il faut composer avec les gyroscopes existants et leurs caprices. Trois d’entre eux nous ont déjà lâchés définitivement. Il restait les trois autres, suffisants pour faire tourner Hubble… jusqu’à la semaine dernière, où un gyroscope de plus a fait des siennes.

«Le télescope est automatiquement entré en mode sans échec parce que l’un de ses trois gyroscopes a donné de mauvaises mesures de télémétrie», expliqué la Nasa sur son site le 31 mai. L’instrument est censé indiquer le degré de pivotement du télescope, pour le faire pointer dans la bonne direction, mais il s’est mis à raconter n’importe quoi, et Hubble a dû se mettre en pause. C’est malheureusement loin d’être la première fois que cela arrive : «Au cours des six derniers mois, ce gyroscope en particulier a donné des mesures erronées de plus en plus souvent, forçant l’engin spatial à passer en mode sans échec à de nombreuses reprises et à suspendre à chaque fois les observations scientifiques en attendant des instructions depuis le sol», détaille l’agence spatiale américaine dans un nouveau communiqué quatre jours plus tard. «Ce gyro subit une saturation, c’est-à-dire qu’il indique le chiffre maximum possible quand il est censé indiquer à quelle vitesse pivote Hubble. Jusqu’ici, l’équipe a pu remettre à zéro le système électronique du gyro à chaque fois et les chiffres sont revenus à la normale. Mais c’était toujours temporaire, car le problème ne cesse de réapparaître.»

«Ce plan a été imaginé il y a plus de vingt ans déjà»

L’équipe d’ingénieurs dédiée à Hubble a dû prendre une décision – et ce ne sera pas d’envoyer un nouvelle mission de réparation avec des astronautes, la Nasa ayant refusé le devis proposé par SpaceX et le milliardaire Jared Isaacman. Comme on ne peut plus compter sur ce gyroscope, et on va faire sans lui : «La Nasa va passer le télescope dans un nouveau mode opérationnel que l’on envisage depuis longtemps. Hubble va fonctionner avec un seul gyro, et garder les deux autres en secours pour le futur.» On ne pourra pas observer l’univers aussi efficacement qu’avant, mais au point, on le pourra encore un peu. «Hubble peut continuer à faire de la science avec un seul gyro, affirme la Nasa. Ce plan a été imaginé il y a plus de vingt ans déjà, et on le considère comme la meilleure manière de prolonger la vie de Hubble et de fournir des résultats scientifiques avec moins de trois gyros fonctionnels.» C’est reparti pour un tour.