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Intuitive Machines, nouveau participant dans la course à la Lune

Après l’échec de la tentative d’Astrobotic en janvier, la start-up américaine Intuitive Machines a fait décoller son atterrisseur Odysseus, ce jeudi matin, dans l’espoir de devenir la première entreprise privée à réussir un alunissage.
La fusée Flacon 9 de SpaceX qui doit envoyer vers la Lune l'atterrisseur privé Odysseus, de la société Intuitive Machines, sur son pas de tir au centre spatial Kennedy en février 2024. (SpaceX)
publié le 13 février 2024 à 20h57
(mis à jour le 15 février 2024 à 9h26)

Un nouveau coureur entre en piste dans la course à la Lune : Intuitive Machines. Voilà plus de six ans que cette start-up américaine, fondée en 2013 par un ancien directeur technique de la Nasa, travaille à développer un atterrisseur capable de se poser sur la Lune pour y déployer du matériel scientifique. Et ce jeudi 15 février, c’est le grand jour, enfin. Leur atterrisseur, surnommé Odysseus, a décollé à 7h05 (heure de Paris) de Cap Canaveral en Floride, perché sur une fusée Falcon de SpaceX, direction notre satellite naturel. En comptant les tours de Terre pour préparer le tremplin avant de faire le grand bond, et les tours de Lune à l’arrivée (une douzaine), le voyage va durer une semaine avant qu’Odysseus entame sa phase de descente. Si tout se déroule comme prévu, il deviendra le premier engin spatial privé à réussir un alunissage de toute l’histoire de l’exploration spatiale. Une médaille que plusieurs entreprises ont déjà essayé de décrocher, sans succès jusqu’ici.

La course est finie, la compétition continue

Cet engouement soudain pour la Lune a été favorisé par l’organisation en 2007 d’un grand concours international, le Google Lunar X Prize, qui promettait 30 millions de dollars à la première start-up qui réussirait à poser un petit rover sur la Lune, lui faire parcourir 500 mètres et envoyer à la Terre des photos et vidéos haute définition du périple. Une trentaine d’équipes au total ont voulu se prêter au jeu, mais l’objectif s’est révélé bien plus difficile que prévu (Space is hard, comme on dit souvent dans le milieu). Les abandons se sont enchaînés. La fin du concours, initialement fixée à 2012, a été repoussée plusieurs fois pour laisser une chance aux équipes les mieux avancées, mais le Google Lunar X Prize a fini par fermer en 2018 sans vainqueur. Qu’à cela ne tienne : quelques candidats avaient suffisamment progressé dans leur projet, et levé assez de fonds, pour vouloir et pouvoir aller jusqu’au bout.

C’est ainsi que l’entreprise israélienne SpaceIL a lancé en 2019 son alunisseur nommé Beresheet. Raté : la sonde est arrivée trop vite vers la surface et s’est écrasée au lieu de se poser en douceur. Deuxième tentative en novembre 2022 par les Japonais de la société Ispace, eux aussi finalistes du concours, et nouvel échec. La sonde Hakuto-R n’a plus donné signe de vie après l’heure théorique de son alunissage. Nouvelle année, nouvel essai : l’entreprise américaine Astrobotic a décollé tout début janvier 2024 pour envoyer sur la Lune son atterrisseur Peregrine, sur une trajectoire assez directe. Il s’agit encore d’une ex-équipe du concours X Prize, et le suspense s’est encore soldé par une mauvaise nouvelle. Cette fois, la sonde n’a même pas essayé d’alunir : une faille des systèmes de propulsion a été détectée en cours de voyage, et Astrobotic a décidé de rapatrier son engin sur Terre pour qu’il se consume dans l’atmosphère.

Des œuvres de Jeff Koons, un disque dur et un tissu technique

Intuitive Machines (qui ne participait pas au concours) se retrouve donc très bien placée pour décrocher cette palme tant convoitée du premier alunissage privé, pendant qu’une autre entreprise encore – Firefly Aerospace – prépare une mission lunaire fin 2024 et que les précédents trois candidats déçus concoctent, chacun dans leur coin, une mission n°2 pour retenter leur chance. L’alunisseur Odysseus emporte avec lui 12 équipements, dont la moitié ont été fournis par des clients d’Intuitive Machines ayant payé leur place à bord de la mission. On y trouve une caméra développée par l’université d’aéronautique Embry-Riddle, qui s’éjectera d’Odysseus à 30 mètres d’altitude pour photographier l’alunissage «à la troisième personne», mais aussi des sculptures de Jeff Koons, un disque dur de l’entreprise Lonestar qui veut proposer le premier service de sauvegarde informatique sur une autre planète… Il y a aussi des messages laissés par des Terriens pour constituer une capsule temporelle pour l’avenir, ou encore un tissu de protection thermique (contre le froid glacial de la Lune) développé par Columbia Sportswear, qui s’offre pour l’occasion un gros logo imprimé sur le flanc de l’atterrisseur.

L’autre moitié de la charge utile d’Odysseus est un ensemble d’instruments scientifiques envoyés sur la Lune pour le compte de la Nasa. L’agence spatiale américaine compte en effet sur Intuitive Machines pour devenir l’un de ses prestataires de transport entre la Terre et la Lune, pour les missions spatiales à venir du programme Artemis. Ce partenariat public-privé baptisé Commercial Lunar Payload Services (CPLS) a été lancé en 2018 avec l’objectif de confier à des entreprises privées une bonne partie de la logistique lunaire, évitant ainsi à la Nasa de devoir tout développer et financer seule. Astrobotic, qui a raté son alunissage le mois dernier, fait aussi partie du programme CPLS. La même logique s’applique aujourd’hui au ravitaillement de la Station spatiale internationale, qui fait appel aux vaisseaux cargo Cygnus d’Orbital Sciences et Dragon de SpaceX. Même les astronautes américains (et leurs partenaires japonais, européens…) voyagent désormais en navettes privées, avec le Crew Dragon de SpaceX.

Pour la Nasa, Odysseus emporte donc un réflecteur (comme ceux dispersés sur la Lune depuis les années Apollo et qui permettent de mesurer précisément la distance Terre-Lune), une antenne radio pour étudier les particules qui flottent dans l’environnement lunaire et préparer des missions habitées et l’établissement d’une base lunaire, un capteur lidar (laser) pour s’entraîner aux alunissages de précision… Si Intuitive Machines réussit sa mission, le retour de l’Homme sur la Lune deviendra sans doute un peu plus concret. En attendant, la Nasa a repoussé sa mission Artemis 3 – avec le premier alunissage humain depuis plus de 50 ans – à 2026.

Mise à jour mercredi 7h de l’heure du décollage, initialement prévu ce mercredi à 6h57 : il a été repoussé d’un jour.

Mise à jour jeudi 8h : la mission a décollé.