Et si la Terre avait eu un anneau dans le passé ? Des recherches géologiques suggèrent que l’idée n’est pas farfelue : il y a 466 millions d’années, notre planète a pu se retrouver entourée d’un disque de roches et de poussière qui lui donnait un air de Saturne. Puis le disque se serait lentement décomposé, constellant la Terre de cratères à mesure que la matière tombait au sol.
Bombardement d’astéroïdes
L’étude est parue en ligne le 12 septembre dans la revue scientifique Earth and Planetary Science Letters, et part d’un constat étonnant dressé par trois géologues australiens : il y a sur Terre toute une série d’anciens cratères situés à la même latitude et datant de la même époque.
L’époque en question se situe au Paléozoïque, qu’on appelait auparavant «ère primaire» de la Terre, et plus précisément à l’Ordovicien. La période où la biodiversité sous-marine a explosé (mollusques, coraux, étoiles de mer…), mais où aucune espèce animale ou végétale n’était encore sortie de l’eau pour conquérir les terres. C’était il y a 466 millions d’années, à 40 millions près : les strates géologiques datant de cette époque gardent la trace d’une recrudescence remarquable des cratères d’impact. Cela signifie qu’à ce moment particulier, la Terre a été plus souvent que d’habitude bombardée d’astéroïdes venus de l’espace.
Dérive des continents
Quant à la localisation de ces 21 cratères, elle paraît aléatoire si l’on considère l’aspect actuel de la Terre. Il y en a plusieurs en Amérique du Nord, une autre série en Scandinavie, et une en Australie… Mais si on remonte le temps, et donc l’histoire de la dérive des continents, jusqu’à -450 millions d’années environ, l’emplacement des cratères est aligné, pas très loin de l’équateur dans l’hémisphère sud.
Cela suggère que toutes les météorites tombées sur Terre à cette époque provenaient d’un même axe, dans l’espace, situé au-dessus de l’équateur. On peut donc penser qu’il y avait une sorte de réservoir rocheux formant une ceinture autour de la Terre… C’est-à-dire un anneau. «Pendant des millions d’années, des matériaux de cet anneau sont graduellement tombés sur Terre, créant ce pic d’impacts de météorites qu’on observe dans les archives géologiques, explique dans un communiqué Andrew Tomkins, principal auteur de l’étude et professeur à l’université australienne de Monash. Les couches sédimentaires de cette période contiennent d’ailleurs d’extraordinaires quantités de débris de météorites.»
Astéroïde désintégré et zone d’ombre
Quant à savoir comment cet anneau s’est formé, c’est un processus déjà bien étudié en astronomie. Il s’agit sans doute d’un gros astéroïde qui a croisé le chemin de la Terre, et qui s’est désintégré en franchissant la limite de Roche – la distance au-delà de laquelle il se disloque sous l’effet des forces de marée. C’est le même phénomène qui permet d’expliquer la présence d’anneaux autour de Saturne ou (plus discrets) autour de Jupiter, Uranus et Neptune…
Un autre aspect intéressant de cette théorie est qu’elle contribue à expliquer l’évolution climatique de cette époque. Ce dense anneau de roches et de poussière autour de la Terre aurait bloqué les rayons du Soleil, créant une ombre et donc un refroidissement sur une large bande en surface de la planète. Ce refroidissement a peut-être joué son rôle dans ce qu’on appelle la glaciation de l’Andéen-Saharien, un épisode de climat froid survenu il y a 420 à 450 millions d’années. «L’idée qu’un système d’anneaux ait pu influencer les températures globales ajoute une nouvelle couche de complexité à notre compréhension de comment les événements extraterrestres ont pu façonner le climat», note Andrew Tomkins.