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«Starship» : le vaisseau a atteint l’espace mais a été «perdu» en redescendant vers la Terre

La compagnie d’Elon Musk, SpaceX, tentait pour la troisième fois, ce jeudi 14 mars, de faire voler sa fusée géante après deux échecs l’an dernier. Starship a tenu presque trois quarts d’heure sur une bonne trajectoire avant de défaillir. Ce vol marque des progrès significatifs et salués par la Nasa, qui a besoin de Starship pour ses missions lunaires.
Décollage de la fusée géante Starship de SpaceX pour son troisième vol de test, le 14 mars 2024. (Capture d'écran SpaceX)
publié le 14 mars 2024 à 10h10
(mis à jour le 15 mars 2024 à 15h31)

Sur un bulletin scolaire, les professeurs auraient écrit : «en progrès, continuez vos efforts». Pour la troisième fois ce jeudi 14 mars, SpaceX a essayé de faire voler sa fusée géante Starship autour de la Terre, et s’en est mieux sorti que lors des deux précédents tests. La fusée a atteint l’espace et a volé presque une heure, avant d’exploser alors qu’elle redescendait dans l’atmosphère. «Félicitations à SpaceX pour ce vol de test ! Starship s’est envoyé dans les cieux», a salué le patron de la Nasa Bill Nelson. L’agence spatiale américaine compte en effet sur ce lanceur privé pour faire alunir des équipages d’astronautes dans le cadre des futures missions Artemis, à partir de 2026.

120 mètres de haut

Les 120 mètres de haut de Starship – c’est une fusée encore plus grande que la mythique Saturn V, qui emmenait l’homme sur la Lune dans les années 70 – se décomposent en deux parties. En bas, un premier étage nommé «Super Heavy», qui est en réalité un réservoir géant de 70 mètres de haut pouvant contenir 3 400 tonnes de carburant (méthane et oxygène). La bête est équipée de 33 moteurs qui doivent s’allumer simultanément. Et, attaché juste au-dessus, un vaisseau-navette de 50 mètres de long qui peut accueillir lui-même 1 200 tonnes de carburant. C’est lui, le vrai «Starship», le vaisseau spatial qui vise les étoiles : la société du milliardaire Elon Musk veut en faire un bus entre la Terre et la Lune, voire entre la Terre et Mars ou même entre la Lune et Mars quand on aura construit des stations-service pour fusées sur notre satellite naturel (un projet très sérieux).

Un premier vol de test avait été organisé l’an dernier, en avril, puis un deuxième mi-novembre, et le bilan était très comparable : le début du décollage s’est bien déroulé, mais des problèmes techniques ont surgi après quelques minutes de vol et l’engin a fini en mille morceaux (intentionnellement la première fois, et par accident la deuxième). Une enquête a permis d’identifier les causes de l’échec et des corrections ont été apportées au lanceur, à chaque fois. En parallèle, des associations locales de protection de la nature se manifestent à chaque décollage pour dénoncer les dégâts causés par les fusées de SpaceX sur la faune et la flore, fragiles dans cette région.

«Apprendre de nos erreurs»

«Ce troisième vol de test devra apprendre de nos erreurs lors des vols précédents, tout en essayant de remplir un certain nombre d’objectifs ambitieux», avait écrit SpaceX dans un communiqué. Les moteurs des deux étages devaient s’allumer et s’éteindre correctement, puis même se rallumer en cours de vol (ce qui n’avait pas encore été tenté). SpaceX a testé aussi l’ouverture et la fermeture de la porte qui renferme la charge utile dans le vaisseau Starship (pour simuler une libération de satellites, ou de matériel devant atterrir sur la Lune par exemple). Le vol était retransmis sur la chaîne YouTube de SpaceX en direct.

La fusée a décollé jeudi peu après 14 heures (heure française) depuis la base spatiale de SpaceX à Boca Chica, au Texas, à la frontière avec le Mexique. Les 33 moteurs de l’étage principal se sont allumés et ont assuré la première phase d’ascension, avant que le vaisseau Starship prenne le relais et que les deux morceaux de la fusée se séparent. Jusqu’ici, tout allait bien.

Bonne trajectoire

L’étage principal Super Heavy s’est ensuite retourné sur lui-même et a rallumé quelques moteurs pour freiner, dans l’objectif de se poser de manière à peu près contrôlée sur l’eau, dans le golfe du Mexique, à la mode des fusées réutilisables de SpaceX (même s’il n’était pas prévu de récupérer et de recycler l’étage pour ce vol de test). Mais le cylindre de métal n’a pas survécu aux forces qui s’exerçaient sur lui : il s’est brisé à 462 mètres au-dessus de l’eau.

Le vaisseau Starship, quant à lui, a continué sa course sur une bonne trajectoire suborbitale. Il n’était pas prévu qu’il se mette réellement en orbite et fasse des tours de Terre, mais il a tout de même rejoint l’espace (au-dessus de 100 kilomètres d’altitude) où il a volé près de trois quarts d’heure. Les manœuvres prévues ont presque toutes été réalisées. La porte du compartiment de charge utile a bien été ouverte et fermée, avec succès. SpaceX a aussi effectué un transfert de carburant d’un réservoir vers un autre en cours de vol, ce qui sera nécessaire pour les futures missions Artemis avec la Nasa. En revanche, le test de rallumage des moteurs en phase de croisière a finalement été abandonné, car le vaisseau n’était pas dans des conditions propices.

Vaisseau perdu

48 minutes après le décollage, il était l’heure de rentrer sur le plancher des vaches – enfin, sur le plancher de l’océan Indien. Starship a effectué sa rentrée atmosphérique, et, alors qu’on voyait les frottements de l’air rougir le vaisseau depuis sa caméra embarquée, il a cessé de donner de ses nouvelles. Alors qu’il n’était plus qu’à 65 kilomètres d’altitude, le vaisseau Starship a été «perdu. Pas d’amerrissage aujourd’hui», a annoncé un commentateur du direct vidéo de SpaceX.

La société privée considère son vol de test comme un succès (tout comme les deux dernières fois), et se félicite dans un communiqué d’avoir amassé «des données inestimables pour développer rapidement Starship». Il faudra comprendre encore une fois ce qui s’est mal passé pour continuer d’améliorer le lanceur super-lourd jusqu’à ce qu’il soit prêt à remplir des missions institutionnelles ou commerciales. Outre son rôle en tant que prestataire de la Nasa – un contrat de 4 milliards de dollars –, Starship pourrait servir dans les années à venir à mettre en orbite des satellites de communication Starlink par dizaines à la fois.

Quatre exemplaires d’avance

Quatre exemplaires de la fusée géante sont déjà construits d’avance et attendent leur tour à la base spatiale de Boca Chica pour continuer les vols d’essai, a expliqué Siva Bharadvaj, ingénieur chez SpaceX, dans la vidéo diffusée jeudi : «Nous avons fait une mise à feu statique du prochain vaisseau qui doit voler justement cette semaine, et on devrait tester l’étage principal dès que le pas de tir est libre.» Le rythme des lancements devrait s’accélérer ces prochains mois.

De son côté, l’agence spatiale américaine a annoncé en janvier que les missions Artemis 2 et 3 sont reportées d’un an, en 2025 et 2026. L’une des raisons est le retard pris par la fusée Starship. La Nasa continue en parallèle de travailler avec SpaceX au futur alunissage, notamment en enchaînant, en février, plus de 200 tests d’arrimage – avec différents angles et vitesses d’approche – entre la capsule Orion, qui transportera les astronautes vers l’orbite lunaire pour les missions Artemis, et le vaisseau Starship qui s’occupera de l’alunissage proprement dit.

Mise à jour : à 14h42 avec le décollage effectif de la fusée ; à 15h40 avec l’annonce du vaisseau «perdu».

Mise à jour vendredi 15 mars à 11h avec le récit complet du vol.