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Astronomie

Le télescope James Webb bat déjà le record de la plus ancienne galaxie observée

Dans les toutes premières observations du nouveau engin spatial, des astronomes ont trouvé deux galaxies, dont la plus distante et donc ancienne que l’on connaisse, formée juste 300 millions d’années après le Big Bang.
La galaxie Glass-z13, photographiée par James Webb, a été traduite en couleurs visibles par nos yeux et améliorée par ordinateur. (Image Pascal Oesch (University of Geneva & Cosmic Dawn Center, Niels Bohr Institute, University of Copenhagen). Données T. Treu (UCLA) et GLASS-JWST. NASA/CSA/ESA/STScI)
publié le 21 juillet 2022 à 17h01

Et bim ! Quelques semaines seulement après le début de ses observations scientifiques, le nouveau télescope spatial James Webb (JWST) semble avoir déjà battu un record : celui de la galaxie la plus lointaine jamais observée… qui est donc également la plus ancienne, car plus on regarde loin dans l’univers et plus on remonte dans le temps. Si les astrophysiciens responsables de sa découverte ne se sont pas trompés, le JWST a saisi la lumière d’une galaxie qui a été émise seulement 300 millions d’années après le Big Bang. C’est 100 millions d’années de moins que le précédent record, établi en 2016 grâce au télescope Hubble.

Lancé à Noël, James Webb a d’abord subi une longue phase de déploiement et d’étalonnage. Il vient tout juste de commencer au mois de juillet ses observations scientifiques (dévoilant au passage de splendides photos de galaxies et de nébuleuses pour montrer de quoi il est capable). Et déjà, les premiers astronomes travaillent sur les données récoltées. C’est ainsi qu’une équipe internationale de 25 chercheurs a pu décortiquer un «champ profond» photographié par le JWST, c’est-à-dire une toute petite portion du ciel où l’on peut détecter les faibles lueurs des galaxies les plus lointaines avec un temps de pose suffisamment long.

Observation en infrarouge

Les astronomes décrivent dans une étude les deux galaxies doyennes qu’ils y ont découvertes. L’une, surnommée Glass-z11, est aussi lointaine que le précédent record de 2016. L’autre, Glass-z13, est encore plus lointaine et plus vieille.

Comment sait-on que ces galaxies sont les plus lointaines que l’on connaisse ? Il suffit de mesurer leur couleur. Ou plus précisément les longueurs d’onde de la lumière qu’elles émettent. Plus la galaxie est lointaine, dans les confins de l’univers en expansion et de l’espace-temps qui se dilate depuis le Big Bang, et plus sa lumière nous apparaît décalée vers le rouge le temps qu’elle arrive sur Terre. Les astrophysiciens mesurent ce décalage vers le rouge – redshift en anglais – et le quantifient. Ainsi la galaxie Glass-z11 a un redshift de 11, et la galaxie-record Glass-z13 a un redshift de 13.

Pour les saisir, un appareil photo classique ne suffit pas. Le télescope James Webb est spécialisé dans l’observation en infrarouge, ce qui va en faire un excellent dénicheur de vieilles galaxies décalées vers le rouge. Il dispose de plusieurs capteurs aux caractéristiques différentes, et là, en l’occurrence, c’est l’instrument Nircam (near infrared camera) qui a capturé la lumière des galaxies ancestrales. Il s’agit d’une caméra fabriquée par l’université d’Arizona, qui capte des longueurs d’onde plus grandes que le rouge visible par nos yeux.

Assez inattendu

Que nous apprennent Glass-z11 et Glass-z13 ? «Elles apparaissent assez massives» et ce «très peu de temps après le Big Bang», commente pour l’AFP le principal auteur de l’étude, le jeune astrophysicien américain Rohan Naidu. C’est assez inattendu : comment ont-elles pu amasser autant de matière à un moment si précoce de l’histoire de l’univers ? On le comprendra peut-être mieux quand James Webb trouvera d’autres objets d’étude similaires. Ce qui ne devrait pas manquer d’arriver, puisqu’il a si rapidement déniché son premier exploit. Les galaxies aussi anciennes et visibles depuis la Terre ne semblent pas être si exceptionnelles. Quand on a découvert la précédente galaxie record en 2016, «une question clé était de savoir si elle était excentrique ou si elle avait une famille… Je parie maintenant sur la deuxième option !» résume Rohan Naidu sur Twitter.

Pour l’instant, l’étude est seulement prépubliée – c’est-à-dire qu’elle a été mise à disposition de la communauté, mais qu’elle n’a pas encore été relue et vérifiée par des pairs pour publication dans une revue scientifique. Mais une autre équipe d’astrophysiciens dirigée par l’Italien Marco Castellano est arrivée aux mêmes conclusions, ce qui permet d’avoir bon espoir que la découverte soit valide. Thomas Zurbuchen, directeur du département science à la Nasa, ne peut cacher son excitation sur Twitter : «Les records astronomiques commencent déjà à tomber», se réjouit-il, pariant qu’il s’agit du premier d’une longue série.