L’astronomie est une formidable machine à remonter le temps : plus les outils sont modernes, plus les technologies sont perfectionnées et mieux on arrive à dénicher les premiers vestiges de l’univers, de plus en plus proches du commencement de tout : le Big Bang. En l’espace d’une semaine, deux découvertes ont été annoncées : l’étoile et la galaxie les plus lointaines que l’on connaisse à ce jour.
Une étoile magnifiée par la déformation de l’espace-temps
L’étoile a été repérée par Hubble. Il faut s’y connaître un peu en lois de la physique pour la reconnaître, car elle n’a pas du tout l’allure d’un point blanc ou jaune scintillant. C’est un arc de cercle rouge foncé, en pointillés irréguliers, comme une traînée de confiture. C’est parce que son image est déformée par un énorme amas de galaxies, située entre l’étoile et la Terre. De notre point de vue, l’étoile est cachée derrière cet amas. On ne devrait pas la voir si la lumière voyageait en ligne droite. Mais l’amas de galaxies produit une telle attraction gravitationnelle qu’il distord l’espace-temps autour de lui, et que les rayons de lumière se retrouvent à le contourner puis continuer leur chemin jusqu’à nos yeux. On appelle cela l’effet de lentille gravitationnelle. Il nous permet d’apercevoir des astres faiblement lumineux et cachés, miraculeusement déformés et amplifiés comme à travers une loupe.
La lumière de l’étoile WHL0137-LS, qui a été surnommée Earendel (un vieux mot anglais pour l’«étoile du matin»), a mis 12,9 milliards d’années à atteindre la Terre. L’image d’elle captée par le télescope Hubble date donc de l’époque primitive où l’univers n’était âgé que de 900 millions d’années (soit 7% de son âge actuel). D’après les calculs des astrophysiciens, elle devait avoir 50 fois la masse de notre Soleil et être des millions de fois plus brillante. Mais aujourd’hui, elle n’existe plus. «D’après sa masse, elle n’a certainement pas survécu jusqu’à aujourd’hui», explique l’astrophysicien Brian Welch, principal auteur de l’étude. «Les étoiles les plus massives brûlent leur carburant plus vite puis explosent ou s’effondrent en trous noirs. Les plus vieilles étoiles connues se sont formées à la même époque, mais elles sont moins massives, et ont continué de briller jusqu’à aujourd’hui.»
Le record précédent de l’étoile la plus lointaine avait été établi en 2018, avec une étoile datant de quand l’univers était âgé de 4 milliards d’années.
Une galaxie pleine d’énergie
Le record de la plus lointaine galaxie connue, lui, datait de 2016 : on avait découvert GN-z11, vue telle qu’elle était il y a 13,4 milliards d’années. Elle vient de se faire détrôner par HD1, dont la lumière aurait, pour sa part, voyagé pendant 13,5 milliards d’années. Elle apparaît particulièrement brillante dans les longueurs d’ondes ultraviolettes, ce qui indique une haute activité énergétique. D’où vient-elle ?
Les astronomes ont deux pistes : soit elle abrite un trou noir supermassif (100 millions de fois plus massif que notre Soleil) en son centre, ce qui en ferait le plus vieux trou noir que l’on connaît. Soit c’est une pouponnière pour quelques-unes des toutes premières étoiles de l’univers, qu’on n’a pas encore pu observer.
Les premières lumières de l’univers seront l’objet d’études du nouveau télescope spatial James Webb, lancé par la Nasa à Noël. Après des mois de réglages, le télescope devrait commencer à observer les temps anciens de l’univers cet été.