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Astronomie

On a retrouvé la supernova chinoise du XIIe siècle

Une explosion stellaire survenue en l’an 1181 a marqué les observateurs du ciel en Chine et au Japon. Plus de huit cents ans plus tard, les astronomes pensent avoir retrouvé l’emplacement du cadavre de cette étoile.
Le rémanent de supernova de Kepler, restes gazeux d'une étoile en fin de vie dont l'explosion a été observée en 1604. De même, la supernova de 1181 a laissé un cadavre de gaz derrière elle, dont on vient de retrouver la trace. (Photo Nasa)
publié le 22 septembre 2021 à 15h48

Tous les soirs, quand les étoiles apparaissent, le ciel nocturne reprend l’apparence qu’il avait la veille… ou presque. Les constellations semblent immuables. Seules les planètes se déplacent un peu sur la toile de fond, nuit après nuit. Et de temps en temps, très rarement, une nouvelle étoile s’allume. Elle n’était pas là la veille, c’est sûr et certain ! Les astronomes amateurs et professionnels ne manquent pas de remarquer ces «nouvelles» étoiles depuis des siècles. En Chine, on les appelait «étoiles invitées» avant le développement des télescopes qui a permis de percer leurs mystères.

On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’étoiles de notre galaxie, discrètes voire invisibles en temps normal, et qui deviennent temporairement très brillantes, donc visibles à l’œil nu depuis la Terre, à la suite d’un événement majeur. Il y a les novae, les étoiles qui se mettent à absorber le gaz d’une voisine trop proche et brillent soudain de mille feux, et les supernovae, des étoiles massives en fin de vie qui explosent.

Seize fois plus brillante que Vénus

On n’a encore jamais observé de supernova à l’intérieur de la Voie lactée depuis l’invention du télescope. Mais on a la certitude qu’il y en a eu au moins cinq au cours des siècles passés, depuis que les humains scrutent le ciel et consignent leurs observations par écrit. La plus brillante de toutes est apparue en l’an 1006 et se voyait même en plein jour – on estime qu’elle était seize fois plus brillante que Vénus dans le ciel, et elle a mis plus de deux ans à s’effacer progressivement du ciel. Les écrits historiques mentionnent une autre supernova en 1054, une en 1181, une en 1572 et une dernière en 1604.

La supernova de 1181, restée visible pendant six mois, a été décrite par des astronomes chinois et japonais. Une dizaine de textes font mention de cette «étoile invitée» qui s’est installée dans la constellation chinoise Chuanshe (près de l’actuelle Cassiopée) entre août 1181 et février 1182. Oui, mais où exactement ? Avec les télescopes dont on dispose à l’heure actuelle, on devrait voir les restes de cette étoile morte il y a plus de huit cents ans. Car au cours de l’événement qu’on appelle supernova, le cœur de l’étoile massive s’effondre sur lui-même et l’onde de choc qui en résulte projette dans l’espace les couches de gaz externes de l’étoile. Ces filaments de gaz soufflés tout autour de l’étoile restent observables très longtemps dans l’objectif des télescopes. On sait ainsi que la photogénique nébuleuse du Crabe est le rémanent de la supernova de l’an 1054.

Mais les recherches ont été plus compliquées pour la supernova de 1181. On a longtemps pensé que son cadavre était la nébuleuse 3C 58, près de la première étoile qui forme le «W» de la constellation Cassiopée. On s’était trompé.

Le fruit d’une collision entre deux naines blanches

Une équipe internationale d’astrophysiciens (de Hongkong, d’Espagne, du Royaume-Uni, de France et de Hongrie) vient de publier une étude pointant la probable localisation de la supernova chinoise du XIIe siècle. Il s’agit d’une nébuleuse à expansion rapide nommée Pa30, donc les nuages de gaz se déplacent si rapidement qu’ils pourraient parcourir la distance Terre-Lune en cinq minutes. A partir de cette vitesse observée, les astronomes ont fait le calcul inverse pour déterminer d’où venait ce gaz il y a plusieurs siècles. Et cette trajectoire colle avec la position supposée de la supernova en 1181.

Et, ce qui rend l’histoire plus intéressant encore, on connaît déjà l’étoile qui est au centre de cette supernova. Il s’agit d’un astre surnommé «l’étoile de Parker», une étoile parmi les plus chaudes du système solaire. Elle fait sans doute aussi partie du cadavre de la supernova de 1181. En fait, les astronomes pensent que la nébuleuse actuellement visible est le fruit d’une collision entre deux naines blanches, elles-mêmes étoiles en fin de vie. La supernova ne viendrait donc pas d’une seule étoile massive ayant explosé, mais de deux étoiles seniors ayant fusionné. Les exemples dans la Voie lactée sont très rares, et cette découverte d’autant plus précieuse. «C’est super de pouvoir résoudre à la fois un mystère historique et astronomique», se réjouit Albert Zijlstra, astrophysicien britannique qui a participé à l’étude.