Qui veut travailler avec Thomas Pesquet ? Rejoindre la Station spatiale internationale (ISS) dans la capsule futuriste de Space X et siroter des soupes lyophilisées en apesanteur ? Apprendre à réparer des panneaux solaires et décrire une trajectoire orbitale en russe ? Construire une station spatiale autour de la Lune et, peut-être, un jour, marcher sur Mars ? L’Agence spatiale européenne (ESA) ouvre une campagne de recrutement pour former les astronautes de demain. L’occasion est rare, le processus est long, et les places sont chères. Mais quel prestige…
En 2008, la promo des pionniers
La dernière vague de recrutement européenne date d’il y a onze ans, et il se trouve que c’était aussi la première. Car les astronautes des générations précédentes n’ont pas commencé leur carrière dans le giron de l’ESA : ils avaient été sélectionnés et formés par leurs agences spatiales nationales respectives. Puis rapatriés dans le corps d’astronautes européens entre 1998, année de sa création, et 2002. En France, ce fut le parcours de Jean-François Clervoy et Léopold Eyharts.
Mais en 2008, donc, l’ESA publie sa propre petite annonce : cherche pilotes surdoués et scientifiques haut de gamme pour voler dans l’espace. Épreuves après épreuves, la sélection a abouti quelques mois plus tard à la nomination de six astronautes qui ont, depuis, tous effectué au moins un séjour dans l’ISS. Il y avait un Français (Thomas Pesquet), deux Italiens (Lucas Parmitano et Samantha Cristoforetti), un Britannique (Timothy Peake), un Danois (Andreas Mogensen) et un Allemand (Alexander Gerst). La promo s’est même enrichie sur le tard d’un septième membre, Matthias Maurer, un scientifique allemand repêché parmi les finalistes du concours.
Un joli brassage de nationalités… Mais encore bien loin de la parité. Six hommes et une femme, sérieusement ? Pendant ce temps, la Nasa compte un tiers de femmes parmi sa cinquantaine d’astronautes, et peut désormais se payer le luxe de faire des sorties extra-véhiculaires – en combinaison, dans l’espace – 100 % féminines.
En 2021, la promo diversifiée
C’est pour y remédier que l’agence spatiale européenne entend aujourd’hui «renforcer la diversité des genres dans ses rangs», et «encourage vivement les femmes à postuler». En 2008, on n’avait compté que 1 430 dossiers de postulantes à l’espace à la fin de la période de candidature, contre 7 586 dossiers d’hommes. Soit un peu moins de 19 % des CV reçus.
Mieux encore: le directeur de l’exploration humaine et robotique à l’ESA, David Parker, se prend à rêver que «la diversité au sein de l’ESA ne [tienne] pas seulement compte de l’origine, de l’âge, des antécédents ou du sexe de nos astronautes, mais peut-être aussi des handicaps physiques». Pour les astronautes handicapés, il y a encore du chemin à faire – David Parker commence par lancer un «projet de faisabilité des parastronautes» pour voir ce qui est envisageable, avec un budget d’un million d’euros.
Mais question parité et origines, tout est prêt pour que 2021 change la donne. «Dans la décennie écoulée depuis la sélection de 2008-2009, les attentes de la société ont changé sur la diversité et l’inclusion. […] L’ESA ne peut ni ne veut ignorer ces changements», écrit l’institution.
Mesurer entre 1,53 et 1,90 mètre
Les candidatures seront ouvertes du 31 mars au 28 mai sur le site ESA Career. Pour les critères physiques, il faut être raisonnablement sportif, avoir de préférence de 27 à 37 ans et mesurer entre 1,53 et 1,90 mètre. Côté cervelle, on exige un diplôme universitaire d’ingénieur, de sciences ou de médecine avec trois ans d’expérience professionnelle, quelques compétences utiles (mémoire, concentration, orientation spatiale, motivation, stabilité émotionnelle…), et savoir piloter des engins volants est «un plus», comme on dit. Pour celles et ceux qui cochent toutes les cases, l’aventure durera ensuite un an et demi, entre tests psychologiques, sélection médicale et entretiens individuels, jusqu’à l’annonce des résultats en octobre 2022.
Le programme de l’exploration spatiale pour les années à venir est alléchant. Les futurs astronautes européens ont toutes les chances de mettre encore un pied dans l’ISS avant son démantèlement, rappelle l’ESA, mais ils travailleront surtout aux côtés d’autres nations pour investir la Lune et Mars. «A moyen terme la présence humaine autour de la Lune sera facilitée par un Portail (station lunaire) auquel l’ESA contribue en fournissant un module d’habitation et des infrastructures de communication», précise l’agence spatiale.
Côté américain, la Nasa a déjà dévoilé en décembre sa nouvelle «équipe Artémis» de 18 astronautes taillés pour l’exploration lunaire. Leurs futurs confrères européens les aideront à construire le Portail lunaire, atterrir sur la Lune et y mener quelques expériences, récolter des échantillons et piloter des rovers… Le tout sans oublier, bien sûr, de «devenir les ambassadeurs de l’espace dans leurs pays respectifs».
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