Menu
Libération
Etape par étape

Le rover Perseverance s’est posé sur Mars

Mars, dans les traces des robots dossier
Le robot à roulettes de la Nasa est entré dans l’atmosphère de la planète rouge ce soir à 21h37 et s’est posé sans encombre. De sa quête de vie extraterrestre aux manœuvres délicates de l’atterrissage, que le robot devra gérer en autonomie, «Libé» raconte l’arrivée de la plus ambitieuse mission martienne de la décennie.
La deuxième photo du sol martien envoyée par le rover Perseverance, à peine posé le 18 février 2021. (Nasa)
publié le 18 février 2021 à 15h29
(mis à jour le 18 février 2021 à 22h16)
il y a 1546 jours

«Bien arrivé, bisous.» Perseverance envoie déjà sa première carte postale du sol martien.

il y a 1546 jours

C’est gagné ! Hurlements de joie dans la salle de contrôle quand arrive la dernière confirmation : «contact». Perseverance a envoyé un message à la Terre pour signaler qu’il a touché le sol et qu’il est donc apparemment en bonne santé.

il y a 1546 jours

Le parachute s’est déployé et le vaisseau perd immédiatement beaucoup de vitesse. La salle de contrôle applaudit au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa.

il y a 1546 jours

Le vaisseau est entré dans l’atmosphère, confirme la Nasa qui reçoit de ses nouvelles avec onze minutes de retard. Il file à 3500 mètres par seconde.

il y a 1546 jours

Séparation de l’étage de de croisière réussi. La Nasa a reçu la confirmation à 21h38 (à Paris) comme prévu, que cette partie du vaisseau chargée du trajet Terre-Mars a bien largué le reste du vaisseau. L’événement s’est passé en réalité 11 minutes et 22 secondes plus tôt. La soucoupe volante file désormais seule vers l’atmosphère martienne, qu’elle touchera dans dix minutes.

il y a 1546 jours

L’atterrissage sera filmé et capté au microphone : même Hollywood ne peut pas lutter. Pour avoir les plus belles images d’un atterrissage martien jamais enregistré, il y a d’abord des caméras postées sur la coque arrière du vaisseau. Elles verront l’immense parachute se déployer dans le ciel martien en contre-plongée. L’étage de descente a ses propres caméras, lui aussi, pour filmer vers le bas : on devrait voir le rover encore tout replié s’éloigner vers le sol couleur ocre, attaché au bout de ses câbles. En chutant, Perseverance nous enverra le contrechamp avec une caméra pointée vers le haut : belle vue sur le ventre du «sky crane» crachant du feu par ses rétrofusées. Et le rover dispose aussi de son objectif ventral, braqué vers la surface martienne, pour nous mijoter un zoom historique de plus en plus détaillé jusqu’au derniers cailloux et envolées de poussières avant le contact. Et le tout avec le son, tant qu’à faire. On attend impatiemment un habile montage en haute définition que ne manquera pas de publier la Nasa à partir de toutes ces vues exceptionnelles.

«On va pouvoir se regarder atterrir sur une autre planète pour la première fois», s’émeut Lori Glaze, qui dirige le département de science planétaire à la Nasa. Il y a huit ans et demi, le vaisseau de Curiosity avait bien pris quelques images du bouclier chutant vers le sol, mais rien de très sophistiqué. Des internautes doués de leurs mains avaient reconstitué une vidéo HD à partir des images de la Nasa.

il y a 1546 jours

Sous le capot. Au moment où il rentrera dans l’atmosphère, le vaisseau de Mars 2020 ressemblera à une vulgaire soucoupe volante : une assiette dessus, une assiette dessous, et le robot bien caché à l’intérieur pour le protéger des frottements ardents (plus de 1700°C) du gaz martien (beaucoup de CO2, un peu d’argon, un peu de diazote). Mais les différents composants vont se détacher l’un après l’autre, au fil de la descente, pour mettre à nu l’astromobile et sa grue. Vue éclatée de l’engin :

il y a 1546 jours

Pour être dans l’ambiance, il est désormais l’heure d’allumer Youtube : tous les suivis en direct de la soirée ont commencé. Pour avoir les infos à la source, direction le live de la Nasa. En français, peut suivre le plateau du Cnes, où est invité l’exobiologiste Michel Viso, ou l’émission spéciale du très recommandable magazine Ciel et Espace, qui accueille entre autres l’astrophysicien François Forget, spécialiste de Mars, et Thierry Blancquaert qui travaille sur la mission Exomars à l’ESA. Le live de la Cité des Sciences et de l’Industrie, pédagogique et richement illustré de photos et de schémas, intéressera les plus scientificurieux. Et côté amateur, le youtubeur Stardust essaie de faire le tour de toutes les questions autour de la mission martienne.


il y a 1546 jours

Petite pause paysage. Ci-dessous un panorama martien vu par Curiosity, en 2015. On ne peut pas s’en lasser.

il y a 1546 jours

Comme on ne peut pas guider sa descente en temps réel, Perseverance devra être le plus autonome possible pour trouver le meilleur point d’atterrissage. «Pendant sa descente, le robot va être capable de se guider tout seul, explique le chercheur CNRS William Rapin, qui travaillera sur les données de Perseverance depuis la France. On apprend tout sur Terre avec un délai de 11 minutes et 20 secondes, alors qu’il lui faut sept minutes pour rentrer dans l’atmosphère. Donc quand on apprendra qu’il touche l’atmosphère, tout se sera déjà déroulé. Le rover doit savoir se poser en prenant des décisions de façon entièrement autonome.»

La trajectoire du vaisseau vise une zone d’atterrissage en forme d’ellipse large de 7,7 kilomètres – c’est la plus petite cible jamais visée par un amarsissage américain. Mais que faire si le module de descente fonce tout droit vers un gros rocher tranchant qu’on n’avait pas repéré par satellite ? «La résolution des cartes depuis l’orbite ne permet pas de tout savoir, détaille William Rapin. On choisit à peu près l’endroit où il va atterrir, mais si ce jour-là il y a un courant atmosphérique qui le décale de plusieurs kilomètres à gauche ou à droite…. Dans cette région, il y a des falaises qui font quand même quelques dizaines de mètres de haut.»

Pour ne pas prendre de risque, le vaisseau a appris à s’adapter. «Il y a ce système intelligent à bord qui permet au robot d’atterrir en évitant les obstacles. Il y avait déjà un embryon de ce système dans Curiosity. La nouveauté pour Mars 2020, c’est qu’il y a une carte de la région d’atterrissage à bord, et le rover va tenter de faire correspondre la carte avec ce qu’il voit de ses petits yeux, ses caméras qui visent vers le bas. Et il va pouvoir se diriger tout seul vers les sites d’intérêt. Il a des sites prédéfinis où c’est le mieux pour la science : on n’a pas envie qu’il arrive à 2 kilomètres de là. Donc s’il a le choix, il va se diriger au mieux. J’espère que ça va bien fonctionner.»

il y a 1546 jours

Mission retour d’échantillons. Perseverance aura beau dénicher les cailloux les plus affriolants de la planète rouge, il ne saura pas déterminer à coup sûr s’ils hébergent une trace de vie microbienne passée – le graal de la mission – grâce aux instruments à son bord, tout perfectionnés qu’ils soient. Il faudra ramener les roches dans un laboratoire terrien et les faire passer au microscope pour en tirer tous les secrets. «A l’exemple de la Lune, la science qu’on peut faire dans nos laboratoires est plus précise de deux-trois ordres de grandeur par rapport aux expériences qu’on fait in situ», précise Sylvestre Maurice, responsable de la caméra chimique SuperCam dans l’équipe française de la mission Mars 2020.

Alors, Perseverance va faire la cueillette. Après ses analyses à distance, si un gravier ou quelques grains de sable semblent très intéressants, le rover pourra le glisser dans un tube d’échantillon avec son bras articulé et le ranger dans son réservoir. «En fonction de ce que diront SuperCam, Pixl [qui scanne aux rayons X, ndlr] et Sherloc [un fureteur de composés organiques], on va dire «ce caillou-là, je le sens bien. Ca sent la chimie organique, il est plutôt préservé et pas oxydé, hop on le met dans le sac à dos.» Le précieux chargement sera ensuite déposé en lieu sûr (à l’abri des petits hommes verts malhonnêtes) en attendant qu’une mission future vienne les chercher pour les rapporter sur la planète bleue.

Mais elle n’est pas vraiment prête, à l’heure actuelle. «Quand on aura déposé les petits sacs à dos sur le bord de la route comme le Petit Poucet, on retournera vers le Congrès américain et l’Europe, et on leur dira «écoutez, il faut aller chercher le sac à dos». Les politiques sont assez malins, ils ont arrêté de nous faire confiance. Quand nous on leur dit «Pfff, ça sert à rien d’organiser un retour d’échantillons, vous ne nous financez pas la fusée pour les ramener», eux ils nous répondent «non non, attendez : montrez-nous que votre sac à dos vaut la peine qu’on le ramène, et rassurez-vous, on vous fera votre fusée.» Donc on a une mission. Si on veut pas planter le retour d’échantillons, il faut vraiment qu’on prouve que ça vaut le coup d’aller chercher le sac à dos. Ceci dit, Mars c’est Mars. Si on arrive dans un endroit où il n’y a pas de chimie organique, ils iront pas le chercher notre sac à dos.»

En attendant les trouvailles de Perseverance, l’ESA et la Nasa préparent tout de même un plan d’action avec deux sondes envoyées vers Mars en 2026. La première restera en orbite autour de la planète rouge et servira de relais de communications en attendant sa copine. La deuxième sonde arrivera plus tard et atterrira dans le cratère Jezero, le repaire de Perseverance. Une fois posé, cet atterrisseur larguera un petit rover chargé de ramasser les tubes d’échantillons. Le ramasseur à roulettes reviendra ensuite vers l’atterrisseur pour ranger les tubes dans une capsule. Puis la capsule elle-même ira s’installer dans la tête d’une petite fusée, haute de 2,8 mètres et large de 57 centimètres maximum. Elle ne devra pas peser plus de 400 kilogrammes pour redécoller facilement de Mars.

il y a 1546 jours

La Nasa est aujourd’hui omniprésente sur Mars. L’agence spatiale américaine dispose de trois sondes en orbite (la vieille 2001 Mars Odyssey, Mars Reconnaissance Orbiter qui fait de splendides photos à imprimer sur papier glacé, et Maven qui étudie l’atmosphère). Elle a aussi posé un atterrisseur nommé InSight pour écouter gronder les séismes de Mars et prendre la température souterraine. Malheureusement, la sonde thermique d’InSight n’a jamais réussi à s’enfoncer très loin dans le sol martien… Toutes les stratégies ont été essayées pour l’aider à creuser (y compris taper dessus avec une petite pelle) mais la Nasa a fini par renoncer officiellement le mois dernier, le 14 janvier 2021. La mission continue de même.

Et enfin, côté robots à roulettes, la Nasa a récemment perdu le contact avec son vétéran Opportunity, qui foulait les terres arides de Mars depuis 2004. Ses panneaux solaires étaient recouverts de poussière, et une tempête de sable filtrant quasiment toute la lumière solaire l’a définitivement mis en panne. La mission a été déclarée terminée en 2019. Il reste heureusement Curiosity, dont les Américains (et des Français) accompagnent la progression au jour le jour – enfin, au sol le sol, puisque c’est ainsi qu’on appelle un jour martien – depuis 2012. Il a déjà parcouru plus de 24 kilomètres mais ne va plus très vite car il s’est abîmé une roue. On a essayé de le faire rouler à l’envers ou sur quatre roues au lieu de six pour soulager le matériel. Perseverance devrait être plus solide : une attention spéciale a été portée au renforcement des roues.

il y a 1546 jours

Perseverance va atterrir dans le cratère Jezero, un site très prometteur qui abritait un lac il y a des milliards d’années. Le choix du lieu n’a pas été facile. Le planétologue Sylvestre Maurice nous racontait l’histoire il y a quatre ans, en faisant visiter l’Irap à Toulouse où était fabriqué SuperCam, l’œil du rover. «Vous savez, on met tous les Martiens [les experts impliqués dans la mission Mars 2020, ndlr] autour d’une table, on doit être 300 personnes et chacun a cinq sites à proposer. C’est la grosse pagaille. On défend ses idées, on se bat, on vote… Il faut qu’on descende la liste à quatre finalistes, et l’année d’après il n’en reste qu’un. Il y a des équipes. Chez nous, les Français, l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring soutient un seul site. Il n’y a pas de tractations. Certains viennent avec beaucoup d’étudiants le jour du vote ! Et puis c’est horrible, parce qu’il y a toujours le pauvre étudiant qui a fait trois ans de thèse sur un lieu martien, et en un seul vote, son site est dégagé. Allez, c’est pas grave, va. A la fin, c’est dur. Mais on essaye de s’organiser pour que ça soit honnête.»

Le cratère Jezero a finalement été retenu car on voit, depuis les photos des sondes en orbite martienne, qu’il contient des carbonates – des minéraux qui se forment uniquement dans l’eau, dans un environnement accueillant pas trop acide, et qui sont très exploités par les organismes vivants sur Terre. Comment se sont formés les carbonates sur Mars ? Et à quel endroit : dans le lit du lac ou plus en amont, transportés par l’eau via le delta du fleuve ? Y a-t-il la moindre chance qu’on déniche la trace d’un micro-organisme, une vieille cellule martienne toute fossilisée ? «De toute façon, depuis qu’on s’est posés sur Mars avec Curiosity on n’a rien trouvé de ce qu’on pensait, sourit Sylvestre Maurice. Le site est bien mieux, bien plus compliqué. J’ai envie de dire qu’on peut se ravager tant qu’on veut sur le choix des sites d’atterrissage, Mars a plus d’imagination que nous et ça nous permet de faire des découvertes surprenantes.»

il y a 1546 jours

Comment atterrir sur Mars ? Le plus difficile est de perdre suffisamment de vitesse pour poser le rover Perseverance en douceur, après un voyage Terre-Mars à plus de 76 000 kilomètres heure… L’atmosphère martienne va faire une partie du travail en freinant le vaisseau par les forces de frottement – ça va chauffer très fort, et c’est pourquoi le rover est protégé dans une capsule avec un épais bouclier thermique. Mais l’enveloppe de gaz autour de la planète rouge est beaucoup plus ténue que l’atmosphère terrestre. Il faut donc terminer le travail avec des parachutes géants, et encore prévoir un dernier coup d’amortisseur avant le contact du sol.

Pour la mission qui avait emmené sur Mars les petits rovers Spirit et Opportunity, en 2003, la Nasa avait imaginé un système d’airbags : chaque robot était enfermé dans une grosse enveloppe de sacs gonflables, et rebondissait plusieurs fois au sol jusqu’à immobilisation. Mais il a fallu inventer une nouvelle méthode en 2012 pour l’arrivée de Curiosity, gros comme une voiture. «Le robot était trop lourd, il faisait presque une tonne», se souvient le planétologue et chercheur CNRS William Rapin, qui travaille avec les Américains sur les missions martiennes. «Donc la méthode par airbags n’était plus possible avec ce gabarit. La Nasa a conçu un système complètement nouveau pour Curiosity et ça a fonctionné correctement.» Au lieu des airbags, le rover est attaché à une sorte de grue volante, le «Sky Crane». La grue freine avec quatre rétrofusées, puis descend le rover avec des câbles et le pose par terre comme une fleur. Tadaaam !

il y a 1546 jours

Pour suivre l’événement en direct, la Nasa diffusera une vidéo commentée en direct à partir de 20h15 (toujours heure de Paris) : c’est là qu’on pourra entendre les informations les plus fraîches sur l’arrivée du rover. On aura même une vue à 360° sur la salle de contrôle de la Nasa au Jet Propulsion Laboratory, pour voir l’équipe bondir de joie et (se tomber dans les bras) se faire des checks du coude à deux mètres de distance règlementaire quand la bonne nouvelle atteindra la Terre (ou se prendre la tête avec de grands yeux humides en cas de pépin). Pour un suivi de la soirée en français, le Centre national d’études spatiales (Cnes) propose aussi sa propre soirée spéciale sur Youtube à partir de 19h45.

il y a 1546 jours

Sept mois de voyage et sept minutes de stress maximal : voilà, résumée, l’aventure de la mission Mars 2020 qui a décollé de Cap Canaveral l‘été dernier et qui va se poser, enfin, sur la planète rouge ce jeudi soir. Les Américains ont lancé leur vaisseau spatial quasiment en même temps que les Emirats arabes unis et les Chinois, et leurs arrivées sur Mars sont tout aussi synchronisées, espacées d’une semaine seulement. Cela n’a rien d’un hasard : il faut attendre que la Terre et Mars soient alignées d’une certaine manière pour que le trajet soit le plus économe possible en énergie. «C’est comme une passe de football : il faut viser là où le coéquipier va se trouver» quelques secondes plus tard, compare James O’Donoghue, planétologue à l’Agence spatiale japonaise (Jaxa). Depuis la Terre, on vise l’endroit où se trouvera Mars sept mois plus tard. Cette bonne fenêtre de tir s’ouvre tous les 26 mois environ.

Sept mois de voyage, donc, mais c’est la partie facile. Toute l’équipe de la mission (des centaines de personnes dans plusieurs pays) commencera vraiment à se ronger les ongles vers 21h38 (heure de Paris) au moment où on aura confirmation de la «séparation» : la capsule renfermant le rover Perseverance, enfin arrivée à la frontière de l’atmosphère martienne, se détachera du module de voyage qui l’a transportée jusque-là et finira sa course toute seule jusqu’au niveau du sol. A 21h48, on apprendra que Perseverance entre dans l’atmosphère. A 21h55, on saura qu’elle a touché le sol. Entre-temps, il faudra avoir freiné suffisamment fort pour ne pas s’écraser comme une mouche…

La Nasa aime surnommer un peu dramatiquement ce moment «les sept minutes de la terreur», durant lesquelles tout s’enchaînera très vite et il sera impossible d’intervenir depuis la Terre pour corriger une erreur de trajectoire ou un bug informatique. Mars se situe actuellement à 204 113 274 kilomètres de la Terre. Les informations envoyées par Mars 2020, même en filant à la vitesse de la lumière, mettront donc onze minutes et demie à atteindre la Terre. On ne pourra rien faire d’autre que croiser tous les doigts et tous les orteils pour que la séquence d’atterrissage, pré-programmée, se déroule sans accroc.

Début du live : le 18/02/2021 à 15:29