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Oasis

Sur la Lune, la ruée vers l’eau

Le rover Viper, envoyé par la Nasa en 2023, doit cartographier l’eau du pôle Sud de l’astre. Il fournira des informations sur la quantité disponible, ouvrant également la voie à des projets d’exploitation des ressources lunaires.
Le rover Viper sera envoyé par la Nasa explorer la Lune en 2023. (Daniel Rutter/NASA. AFP)
publié le 21 septembre 2021 à 17h41

L’eau, on peut la boire. Mais on peut aussi, par un processus chimique, la décomposer en hydrogène et en oxygène. Voilà pourquoi il est crucial de dénicher les réserves d’eau glacée sur la Lune : en mettant la main sur ces oasis, on aura de quoi remplir non seulement le gosier des futurs astronautes, mais aussi les réservoirs à carburants des fusées. Notre satellite naturel hébergera un jour des vraies stations essence et servira peut-être de relais pour nos vaisseaux spatiaux en partance vers Mars.

En attendant, la Nasa envoie un petit robot à roulettes pour cartographier les ressources en eau du pôle Sud lunaire. La mission est prévue pour 2023, et le site d’alunissage vient d’être choisi.

Charriot de golf

Le rover «Viper» (acronyme pour Volatiles Investigating Polar Exploration Rover) se posera juste à l’ouest du cratère Nobile, a annoncé lundi l’agence spatiale américaine, tout près du pôle Sud de la Lune. Ce cratère d’impact présente l’avantage d’être à l’ombre la quasi-totalité du temps et, quand les rayons du Soleil y pénètrent, ils sont rasants, avec un angle très oblique. Les températures y sont donc très basses, permettant à l’eau de subsister sous forme d’une fine couche de glace recouvrant la poussière au sol. C’est cette glace que va renifler Viper, autour de Nobile et des autres petits cratères qui l’entourent.

Aucune mission spatiale n’a encore visité la région du pôle Sud lunaire à ce jour. «Viper va se rendre dans un territoire inexploré», se réjouit le responsable du projet à la Nasa, Daniel Andrews. «Sélectionner un site d’atterrissage a été une décision importante et passionnante pour nous tous. Notre évaluation de la région polaire s’appuie sur des années d’études.»

L’astromobile, de la taille d’un chariot de golf (1,4 mètre de large et 2 mètres de haut), aura une durée de vie prévue de cent jours terrestres. Il va étudier une zone de 93 kilomètres carrés au total, en cherchant à détecter à distance les endroits riches en hydrogène. Il est pour cela équipé d’un spectromètre à neutrons − un instrument scientifique capable de mesurer l’énergie dégagée par les atomes d’hydrogène qui s’échappent du sol. Là où les mesures seront les plus prometteuses, Viper s’y rendra sur ses quatre roulettes et dégainera sa foreuse nommée Trident pour prélever des carottes jusqu’à un mètre de profondeur. Un troisième instrument analysera alors la carotte de matière lunaire pour déterminer si l’hydrogène vient de molécules d’eau (H2O) ou d’hydroxyle (OH−). Si c’est de l’eau, bingo !

Programme Artemis

La mission de Viper nous apprendra beaucoup sur la quantité d’eau disponible au pôle Sud de la Lune, sa distribution, sa profondeur, sa pureté… Ces informations ont un intérêt scientifique en elles-mêmes, car elles aideront à comprendre d’où vient l’eau du satellite (venue de l’espace via un bombardement primitif de comètes, ou produite sur place grâce au vent solaire ?), comment elle a pu subsister jusqu’à aujourd’hui, à quelle vitesse elle s’échappe de la Lune… Ces données intéressent à la fois la Nasa, les agences spatiales d’autres pays et un nombre croissant d’entreprises privées du secteur ayant des projets pour exploiter les ressources lunaires.

La Nasa prévoit un nouveau chapitre d’exploration lunaire avec son programme Artemis, qui emmènera des astronautes fouler la poussière dans quelques années (2024 officiellement, mais il y aura du retard). De son côté, l’Agence spatiale européenne travaille sur son propre alunisseur, dont elle a confié le développement à Airbus et Thales. Les Chinois collaborent avec les Russes pour construire une base lunaire dans les années 2030, et SpaceX fantasme sur un astroport lunaire où transiteraient d’énormes fusées réutilisables. Un rapport d’experts publié en 2019 estime que l’extraction future de l’eau lunaire, pour une production annuelle de 450 tonnes de carburant pour fusées, générerait 2,4 milliards de dollars (environ 2 milliards d’euros) de chiffres d’affaires par an.